COP 28 : un accord historique ? Le regard d'une chercheuse bretonne
Publié : 13 décembre 2023 à 18h32 - Modifié : 13 décembre 2023 à 18h36 par Yann LAUNAY
Eolienne Pays de Brocéliande
Crédit : Eolienne Pays de Brocéliande
A la COP 28, à Dubaï, un accord a été finalement trouvé et adopté ce mercredi matin (13 décembre) par les 195 Etats participants. Un accord qualifié d'historique par de nombreuses voix. Y aura-t-il vraiment un avant et un après Dubaï ? Eléments de réponse avec Marion Lemoine-Schonne, chargée de recherche au CNRS, en droit international de l'environnement, et membre du Haut Conseil breton pour le climat.
Les réactions sont contrastées ce mercredi 13 décembre. D’un côté, on parle d’un accord "historique" et de l’autre d’un accord "pas à la hauteur". Un accord a donc finalement été trouvé à la COP 28 pour le climat, organisé à Dubaï. Il appelle les pays à "transitionner hors des énergies fossiles". C’est la première fois que le sort de toutes les énergies fossiles" est évoqué dans un accord, mais, le terme de "sortie" n’a pas été utilisé suite à la pression des pays producteurs de pétrole - OPEP.
"Les efforts doivent être considérablement augmentés dans cette décennie à venir, qu'on appelle décennie "critique"
Le texte comporte de nettes limites pour Marion Lemoine-Schonne. Toutefois, on peut parler de tournant : "Cela aurait pu être un tournant beaucoup plus ferme, plus franc, si on avait acté dans une formulation très explicite la sortie des énergies fossiles, ou l'arrêt des subventions autorisées aux énergies fossiles à l'échelle mondiale. Mais par rapport aux précédentes discussions c'est quand même un objectif très important qui est aujourd'hui posé, dans des termes très consensuels : "transitionner vers la sortie des énergies fossiles", "en accélérant les efforts" si on veut respecter l'objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'échelle mondiale en 2050. Les efforts doivent être considérablement augmentés dans cette décennie à venir, qu'on appelle décennie critique, et qui est d'ailleurs nommée comme telle dans la version définitive de la décision de la COP."
Titre :Marion Lemoine-Schonne
Crédit :Yann Launay
Le texte suscite aussi des inquiétudes
Le gaz est notamment présenté comme une énergie de transition. Le texte prône, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le développement de sources d'énergie comme le nucléaire, ou encore le recours à des technologies d'élimination, comme le captage et le stockage de carbone. "C'est une technologie qui consiste à capter, en sortie de cheminée d'usine, des gaz à effet de serre, qu'on liquéfie pour les enfouir dans des poches géologiques, dans le sous-sol, explique l'experte Marion Lemoine-Schonn. On dit "de façon pérenne", mais c'est une vaste question sur un plan scientifique : jusqu'à quand le carbone est-il stocké ? Est-ce qu'il y a un risque de déperdition, de passage d'un pays à l'autre en franchissant les frontières ? Ce n'est pas sans poser de grosses difficultés, et le cadre de régulation de ces technologies n'existe pas."
Titre :Marion Lemoine-Schonne
Crédit :Yann Launay
Pour la première fois, les énergies fossiles sont désignées comme à l'origine du réchauffement climatique, et l'accord appelle à "transitionner en dehors des énergies fossiles". Les objectifs de l'accord de Paris sont réaffirmés, notamment atteindre la neutralité carbone planétaire d'ici à 2050.
Cet accord sera-t-il réellement suivi d'effet ?
Les pays signataires sont-ils tenus d'agir ? Pour Marion Lemoine-Schonne, "s'ils ne le font pas, il n'y a pas de sanction, parce qu'on est dans une logique d'incitation réciproque, c'est plutôt au regard de leurs partenaires, pour rester crédible dans les négociations internationales sur tous les sujets. Il y a une dynamique d'émulation positive au respect, quand bien même il n'y a pas de gendarme intenational, ou de système de contrôle des décisions de la COP, et encore moins de sanctions financières."
Titre :Marion Lemoine-Schonne
Crédit :Yann Launay
"C'est à tous les endroits que la lutte contre le réchauffement climatique se joue, ce n'est pas seulement au moment des COP"
Les ONG environnementales sont nombreuses à regretter un manque d'ambition de cet accord de Dubaï. Pour Marion Lemoine-Schonne, ce texte est un compromis, signé par 195 états aux intérêts divergents, et forcément très diplomatique. Mais pour la chercheuse, il ne faudrait pas lui donner une importance démesurée : "c'est une orientation, un référentiel très important parce ce qu'il est adopté par tous les états de la planète, en revanche il ne fait que compléter des décisions toutes aussi importantes : les directives, règlements de l'Union européenne, les lois nationales de tous les pays, les investissements stratégiques en matière climatique des régions, des métropoles... Il faut le voir comme une pièce capitale mais pas comme la plus importante ou la seule : une pièce d'un puzzle complexe, c'est à tous les endroits que la lutte contre le réchauffement climatique se joue, ce n'est pas seulement au moment des COP."
Titre :Marion Lemoine-Schonne
Crédit :Yann Launay
Les prochaines COP se tiendront en novembre 2024 en Azerbaïdjan, avant le Brésil en 2025.