Algues vertes : le Président de la Région Bretagne répond à nos questions

Publié : 12 juillet 2023 à 15h41 par Yann LAUNAY

Loïg Chesnais-Girard
Loïg Chesnais-Girard dans son bureau du Conseil régional, à Rennes
Crédit : Yann Launay

Les Algues vertes, le film, sort ce mercredi sur les écrans : réalisé par Pierre Jolivet, c'est l'adaptation du roman graphique d'Inès Léraud, dans lequel la journaliste retrace son enquête sur la dangerosité des algues vertes. Inès Léraud dénonce une mauvaise volonté de l'Etat comme de la Région Bretagne, dans ce dossier, et une complaisance vis-à-vis du secteur agro-alimentaire. Entretien avec Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne.

Q : Le film "Les Algues vertes" a été projeté à l'Assemblée nationale, et doit l'être au Parlement européen. Mais il ne sera pas projeté au Conseil régional de Bretagne, malgré la demande du groupe écologiste. La Région Bretagne a pourtant participé au financement du film, pourquoi alors ce refus ?

 

Loïg Chesnais-Girard : "Parce que dans l'hémicycle de la Région, il n'y a pas d'équipement pour diffuser un film, ou alors dans des conditions très désagréables, et les allusions au Parlement européen ou à l'Assemblée nationale ne collent pas puisque dans ces deux bâtiments, il y a des cinémas. Nous n'en avons pas chez nous. Par contre nous avons accompagné beaucoup d'avant-premières, et j'ai deux vice-présidentes qui sont allées à des avant-premières pour participer à ce lancement. Nous avons l'honneur de financer 100 films par an. C'est une fierté. 100 films dont le film de Pierre Jolivet. Et si je dois choisir un film sur 100, je ne sais pas le faire. On me dit : c'est LE sujet... Oui, c'est un sujet, mais quand je regarde les 100 films, il y a des films sur des enfants en difficulté, sur la guerre, sur les femmes battues : tous ces sujets sont très importants, et je ne diffuse pas tous les films que la Région Bretagne finance dans l'hémicycle régional. Par contre j'encourage les gens à aller les voir, à faire vivre les salles de cinéma, c'est mieux que des diffusions non payées devant des élus "happy few" dans une salle au Conseil régional de Bretagne... Donc la mauvaise querelle qui est en train de se mettre en oeuvre me semble vraiment pas à la hauteur de l'enjeu, et vraiment pas à la hauteur de l'oeuvre qui a été réalisée, il faut respecter ce travail et faire en sorte de mettre en avant ces films, c'est ce que nous avons fait, y compris avec les équipes de la Région."

Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 1 Long OK
Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 1 Long OK
Crédit : Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 1 Long OK

Q : A l'origine des proliférations d'algues vertes, les taux de nitrate dans les eaux bretonnes stagnent depuis plusieurs années : n'est-ce pas la preuve que les plans de lutte sont trop timides, pas assez efficaces ?

Loïg Chesnais-Girard : "C'est un peu comme quand on essaye de perdre du poids : les premiers kilos, c'est faciel, et les derniers kilos, c'est plus dur... Là, c'est exactement pareil : nous avons eu la chance d'avoir un effort collectif qui nous a permis d'abattre de manière importante les taux de nitrate dans les eaux, pour certains endroits de 30%, dans d'autres 50, dans d'autres un peu plus de 50. Il y a encore du travail, on stagne autour des 30 mg par litre, les scientifiques nous disent que pour retrouver une situation acceptable, il faut redescendre à 20, à 15, dans certains cas à 10. Nous avons encore un chemin à parcourir, et pour cela il y a plusieurs axes qui ont été posés dans ce plan de lutte numéro 3, cofinancé par différents acteurs dont la Région Bretagne. Et il y en aura d'autres, je le dis dès maintenant : il y aura un plan 4, 5, 6... Le combat que l'on doit mener, c'est d'être capable de nourrir les hommes et les femmes tout en réduisant l'impact sur l'environnement. C'est un combat de longue haleine, cela fait 30 ans que l'on travaille sur ce sujet, et je pense que nous en avons encore pour trente ans devant nous."

Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 2 Long OK
Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 2 Long OK
Crédit : Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 2 Long OK

Q : Le phénomène des algues vertes est apparu il y a une soixantaine d'années. Depuis, la responsabilité de l'agriculture industrielle a été établi. Pourtant sur le terrain les changements de pratiques restent lents. Ne faut-il pas changer de braquet, pour faire baisser les taux de nitrate dans les eaux bretonnes et résorber le problème des algues vertes ? :

 

Loïg Chesnais-Girard : "Nous avons, 5, 6, 7000 hectares très critiques, sur lesquels il va falloir changer le plus rapidement possible, nos pratiques : arrêter de faire du maïs dans les zones humides, réduire certaines concentrations d'animaux dans certains endroits de Bretagne, ça c'est indispensable. Mais on exproprie les gens ? On leur dit : vous dégagez demain matin, on leur dit : vous fermez immédiatement, ou on gère ça avec la capacité à emmener les hommes et les femmes sans générer des chocs considérables dans la société ?.. Comment on fait, concrètement, dans une démocratie ? Si je suis en Chine, je sais faire, si je suis en France, c'est un peu plus compliqué... Ces transitions, elles prennent du temps, mais cela fait 20 ans que c'est en cours en Bretagne... Sortons de l'idée  que nous sommes en train d'augmenter notre production : cela fait 20 ans qu'elle baisse, et cela fait 20 ans que l'on augmente les importations, et donc que l'on transfère notre carbone, nos nitrates, nos pesticides, ailleurs en Europe ou ailleurs dans le monde... Je pense qu'il faut regarder tout cela en face. La responsabilité des générations comme la mienne, c'est d'amorcer les changements, les virages, d'assumer des ruptures négociées, et de le faire en gardant le plus possible la cohésion sociale. C'est ça mon enjeu."

Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 3 Long OK
Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 3 Long OK
Crédit : Les Algues vertes le film Loïg Chesnais Girard 3 Long OK