Agriculture. Des panneaux retournés dans tout l'ouest ?

Publié : 22 novembre 2023 à 8h59 - Modifié : 22 novembre 2023 à 9h08 par Dolorès CHARLES

Plérin (22)
Plérin (22)
Crédit : Yann Launay

Des "panneaux retournés", c'est la nouvelle action insolite des agriculteurs de l'ouest pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis du plan stratégique national de la PAC. Les syndicats JA et FNSEA veulent aussi dénoncer les nouvelles règles qui les impactent au quotidien sur leur exploitation. Explications.

Vous les avez peut-être remarqués, près de chez vous : des panneaux d'entrée de ville sont retournés, le nom de la commune a la tête en bas... Des dizaines de panneaux ont subi le même sort dans l'Ouest, du Finistère à la Vendée, du Morbihan aux Côte d'Armor en passant par la Mayenne. C'est en fait une opération des agriculteurs, des syndicats JA et FNSEA. Sur les panneaux un autocollant affirme "On marche sur la tête" : les agriculteurs veulent dénoncer les nouvelles règles qui entrent en vigueur ou sont en préparation.

Des règles contradictoires

Des règles pour mieux protéger l'environnement, mais des règles qui se contredisent quand elles ne sont pas contre-productives, pour Fabienne Garel, présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor et présidente nationale de la commission formation de la FNSEA. Pour l'éleveuse, la fin du GNR détaxé - le gazole non routier détaxé - est un exemple emblématique :

"Pour faire nos cultures, on a besoin de tracteurs, de télescopiques ou autres qui fonctionnent au GNR, et on n'a pas d'autres solutions encore aujourd'hui. On veut nous punir en ne nous laissant pas cette possibilité de détaxation et en face on n'a pas de tracteurs, on n'a pas de solutions adaptées. Pour l'environnement, la détaxation du GNR n'est pas forcément la solution pour l'alternative à l'utilisation des produits phytosanitaires. Il y a la possibilité de faire du désherbage mécanique, forcément avec un tracteur. Finalement, celui qui va être taxé le plus c'est celui qui utilise des alternatives."

Fabienne Garel, présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor
Crédit : Yann Launay

Trop de tâches administratives

Les "retourneurs de panneaux" se disent submergés de tâches administratives et acculés à des changements impossibles à absorber économiquement. Pour Fabienne Garel, le gouvernement s'y prend mal, comme lorsqu'il prévoit de doubler les taxes sur les produits phytosanitaires : "quand nous utilisons un produit phytosanitaire, c'est avant tout un produit de protection des plantes, qui vise à faire en sorte que notre culture soit en bonne santé si elle est malade. Pour l'équilibre de nos exploitations, il faut bien que notre parcelle produise. Si sur un ou deux hectares on ne récolte pas du tout de maïs, comment on fait pour nourrir nos animaux ? C'est aussi l'autonomie alimentaire de notre élevage, tout est lié."

Panneau retourné
Crédit : Yann Launay
Fabienne Garel, présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor
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Crédit : Yann Launay

"On importe des produits qui viennent de l'étranger soumis à aucune contrainte !"

Florian Gaultier est producteur laitier à Broons et président des Jeunes Agriculteurs des Côtes d'Armor. Pour lui, on marche sur la tête quand on impose aux agriculteurs français des règles qu'ils sont les seuls à respecter : "quand on nous met des contraintes, on décourage les agriculteurs à produire et les jeunes à s'installer... et parallèlement à ça, on importe des produits qui viennent de l'étranger soumis à aucune contrainte. L'une des solutions est peut-être d'être plus vigilant sur ce qu'on importe et consomme... Les grandes surfaces ont une grande part de responsabilité. Dans une grande surface briochine, on a trouvé du beurre et du fromage étrangers ! Quand on connaît une crise en bio sans précédent et qu'on retrouve du lait bio et du fromage bio dans les grandes surfaces qui viennent de l'étranger, c'est inacceptable !"

Florian Gaultier est producteur laitier à Broons
Crédit : Yann Launay

"Il faut soutenir l'agriculture demain !" 

Ces actions ont lieu au niveau micro-local pour mieux s'adresser à la population, aux consommateurs comme aux élus locaux. Il s'agit de "faire prendre conscience à tous et à toutes que c'est un enjeu pour notre alimentation de demain, dans les restaurations collectives, les cantines scolaires... C'est la responsabilité des élus de se mettre en marche et de consommer local au maximum. C'est une responsabilité collective de soutenir l'agriculture demain !" Le moment choisi pour agir coïncide avec l'ouverture des négociations commerciales entre les industriels et la distribution. Une façon pour les JA et la FNSEA de rappeler que la lutte contre l'inflation ne peut pas se faire sur le dos des agriculteurs.

Fabienne Garel, présidente nationale de la commission formation de la FNSEA
Crédit : Yann Launay

Fabienne Garel ne cache pas son inquiétude devant ces négociations qui s'ouvrent : "nous faisons face à l'augmentation des coûts de production. On mérite d'avoir un salaire décent et on mérite d'avoir nous aussi du pouvoir d'achat."

Les négociations commerciales entre industriels et grande distribution devront être bouclées au 15 janvier pour les PME, et au 31 janvier pour les multinationales. Les retournements de panneaux d'entrées de villes doivent se poursuivre toute la semaine, dans l'Ouest comme dans toute la France. Les syndicats JA et FNSEA attendent des réponses du gouvernement, et envisagent d'autres actions s'ils ne sont pas entendus.