A Nantes, l’association qui aide les migrants par le travail va disparaître

Publié : 23 novembre 2022 à 12h02 - Modifié : 24 novembre 2022 à 7h55 par Emilie PLANTARD

Des cours d'instruction civique donnés par l'AMI en 2021
Des cours d'instruction civique donnés par l'AMI
Crédit : Association A.M.I

L’association AMI, qui s’applique à intégrer les migrants dans la région de Nantes, attendait la décision de justice qui devait confirmer sa liquidation judiciaire. C'est chose faite. Un coup dur pour de nombreux maraîchers, habitués à solliciter du renfort en période de récolte.

A Nantes en Loire-Atlantique, le tribunal judiciaire a rendu une décision définitive ce mercredi 23 novembre, concernant la liquidation de l’association A.M.I (Accompagnement Migrants Intégration). En difficulté financière suite à l’annulation d’un versement de crédit de la part de l’Etat, l’association doit être liquidée et va devoir cesser son activité. Elle accompagne pourtant 1 400 personnes au quotidien et a permis la signature de 700 contrats de travail l’année dernière.

Victimes collatérales de ce scénario, les maraîchers et agriculteurs de la région, qui avaient l’habitude de faire travailler de jeunes migrants via l’association. C’est le cas de Patrice Rouillard, producteur de fraises à La Chevrollière. Lui a besoin de l’association pour recruter des saisonniers. "C’est même devenu un pilier important de mon économie et du maraîchage en général en Loire-Atlantique parce qu’elle peut nous procurer de la main d’œuvre ponctuelle, respectueuse, travailleuse, et tout ça dans un cadre légal. J’ai vu ce qui se passait avec Pôle Emploi, quand on leur demande 10 ou 15 saisonniers pour une date précise, on n’a que quelques réponses... Donc il a fallu trouver un système alternatif et l’association a bien occupé ce poste." L’association embauche par ailleurs sept salariés, et elle va devoir les licencier.

De la main d’œuvre disponible

Dans le maraîchage, les professionnels sont nombreux à collaborer avec l’association. La liquidation de l’association ne sera pas sans conséquence pour Patrice Rouillard, puisqu’il embauchait 15 à 20 migrants chaque année, pour compléter ses effectifs de saisonniers. "Cette sécurité que j’avais d’avoir des gens à disposition pour venir travailler, je ne l’ai plus ! Je vais devoir me retourner vers Pôle emploi. Je suis en train de planter des fraises pour la prochaine récolte, je ne sais pas si j’aurai des personnes pour les ramasser. Et si je n’ai personne, je mets la clé sous la porte, j’ai une dizaine de salariés, ils sont en danger." Un des salariés de la fraiseraie est d’ailleurs un ancien migrant de l’association, embauché en CDI.

Patrice Rouillard, producteur de fraises à La Chevrollière
Crédit : Emilie Plantard

L’association facilitait l’embauche des migrants

Pour Patrice Rouillard, cette main d’œuvre disponible et volontaire est une aubaine face aux difficultés de recrutement. Et l’A.M.I leur permettait cela. "C’est l’association qui, depuis le départ, s’occupe de tout l’administratif concernant les migrants, des déplacements, ils leur apprennent le français, et eux ils sont heureux de venir travailler ici. Tous les ans ils demandent de revenir, mais on n’est jamais sûr, la preuve. Et moi ce qui me dérange le plus c’est qu’on fait un haro sur la sécurité à Nantes, mais ce ne sont pas ce qui travaillent. Or, là ce sont 1 400 personnes qui vont se retrouver sans rien du jour au lendemain..."

Actuellement, une cinquantaine de migrants de l’association sont sous contrat de travail, ils vont être dirigés vers le CCAS de Nantes.

Patrice Rouillard, producteur de fraises à La Chevrollière
Crédit : Emilie Plantard

Un sentiment de gâchis

De son côté, la présidente de l’AMI a fait le maximum pour sauver son association. Elle a été reçue par un élu de la mairie de Nantes mais n’a pas reçu le soutient escompté. L’équipe de 7 salariés s’apprête à quitter les locaux de l’asso ce mercredi soir et à laisser les jeunes migrants à leur sort. Emilie Plantard a joint Catherine Libault, présidente de l’AMI, et elle regrette de devoir les abandonner : "Pour ceux qui travaillent c’est le désarroi total, parce qu’ils disent qui va s’occuper de nous ? Tous ceux qui avaient un CDD et qui avaient des difficultés on les aidait à s’actualiser. Quand on l’a dit c’était comme s’il y avait un anesthésiant dans la salle, ils étaient sous le choc. C’est un véritable gâchis, on répondait à un besoin, mais c’est un gâchis voulu."

L’association avait ouvert 800 dossiers pour accompagner des demandeurs d’asile en 2022. Pour tous les migrants en situation régulière qui étaient accompagnés vers le travail par l’association, la mairie de Nantes les invite à contacter le Centre Communal d'Action Sociale.

Catherine Libault, présidente de l’A.M.I
Crédit : Emilie Plantard