A Lorient, les enseignants résolument contre le "choc des savoirs"
Publié : 3 avril 2024 à 10h26 - Modifié : 3 avril 2024 à 10h32 par Dolorès CHARLES
"Non au choc des savoirs, oui au choc des moyens" : c'est l'un des slogans entendus hier (mardi 2 avril) dans les rassemblements organisés par les enseignants pour s'opposer aux groupes de niveau. Reportage et témoignages dans le cortège de Lorient (56).
Les enseignants étaient appelés hier (mardi 2 avril) à faire grève contre les mesures du "choc des savoirs", voulu par le gouvernement. Et c'est logiquement dans les collèges que le mouvement était le plus suivi : les groupes de niveau doivent entrer en vigueur dès septembre en 6ème et 5ème, pour le français et les mathématiques. La ministre de l’Education nationale Nicole Belloubet a cherché à rassurer, en expliquant qu’il ne s’agissait pas de trier les élèves, mais de les faire passer d’un groupe à l’autre en cours d’année en fonction de leurs besoins.
Irréaliste voire mensonger, répond Kelig, une professeure de français qui participait à la manifestation lorientaise. "C'est du discours et de l'affichage parce qu'en réalité, déjà cette année il y a eu des petits groupes qui ont été mis en soutien ou approfonidissement en place et on s'aperçoit même sur une heure par semaine qu'en réalité, les groupes ne changent pas. A la marge quelques élèves peut-être... mais comment est-ce qu'on va faire changer les élèves de groupes ? Tous les enseignants ne vont pas faire la même chose et au même moment et les groupes vont travailler à des rythmes différents. En réalité, les élèves en difficulté resteront dans le groupe en difficulté.. cela veut dire que l'on pourra avoir des élèves qui feront toute leur scolarité du collège dans le groupe des élèves en difficulté... et on trouve ça scandaleux ! On sélectionne les élèves à partir de dix ou onze ans, et on est catalogué !"
"On fait des réformes et on ne fait jamais de bilan avant d'en faire une autre"
A Lorient, une centaine de manifestants ont défilé, des enseignants en grande majorité mais il y avait quelques parents. Yann Launay a rencontré Laurent, de Lanester, qui ne comprend pas l'empressement du gouvernement à mettre en place ces groupes, alors qu'un dispositif de soutien venait de voir le jour en 6ème : "Ils ont mis en place l'année dernière du soutien aux élèves en sixième avec un système de devoirs faits, avec 1 h supplémentaire pour faire du soutien aux élèves. Cette heure-là est supprimée cette année pour alimenter la réforme du "choc des savoirs" sans avoir fait à aucun moment un bilan de la réforme... Chaque ministre veut faire sa réforme et on ne fait jamais le bilan des réformes avant d'en faire une nouvelle. C'est incohérent au possible."
"Si je me retrouve avec un groupe de quinze élèves tous en difficulté, comment sur 1h de cours, je vais pouvoir répondre aux spécificités de chacun ?"
Fabienne est professeure de français dans un collège d'Hennebont, et elle dénonce la mise en place d'une usine à gaz aux résultats hasardeux, au détriment de systèmes qui, eux fonctionnent, comme les classes dédoublées, divisées en deux. "Selon les matières, une fois ou deux fois par semaine, la classe est dédoublée en deux parties, donc on bénéficie d'un groupe moins important. Ça ne se faisait pas en fonction du niveau des élèves et de ce fait, lorsqu'on a un petit groupe hétérogène, on a le temps d'aller voir les élèves en difficulté, et de les aider. Si moi je me retrouve avec un groupe de quinze élèves tous en difficulté, comment sur une heure de cours, je vais pouvoir répondre aux spécificités de chacun. Quand j'en avais quinze en dédoublement, c'était possible."
Où sont les moyens ?
Selon Fabrice, professseur dans un collège de Plœmeur du Morbihan, et membre du SNES FSU, ces groupes de niveau vont demander davantage d'enseignants pour fonctionner, mais le ministère semble parti pour "bricoler" plutôt que de créer de nouveaux postes de professeurs. "En recréant des groupes, en demandant plus de besoins, mais en en recrutant pas, on aura forcément un manque. On est en train de mettre des choses en place en sachant pertinemment, et le ministère le sait, qu'ils n'ont pas les moyens humains derrière pour assurer ce qu'ils prônent. On va appeler les retraités, on va augmenter le nombre de contractuels, etc. On va même demander à des collègues du premier degré de venir en détachement dans le second degré pour se positionner sur les maths et le français, alors qu'on sait pertinemment qu'il y a déjà des manques chez les professeurs du premier degré."
Les enseignants et parents mobilisés se disent résolus à poursuivre les actions de protestation dans la jours et les semaines qui viennent.