Tempête Ciaran : les agriculteurs bretons en colère devant la lenteur des indemnisations
Publié : 17 janvier 2024 à 15h49 - Modifié : 17 janvier 2024 à 15h59 par Yann LAUNAY
Deux mois et demi après la tempête Ciaràn, le portail d'accès au "fonds d'urgence" vient seulement d'ouvrir, et les modalités de versement sont jugées inacceptables, pour l'ensemble des syndicats agricoles.
Les agriculteurs bretons se plaignent de ne pas avoir reçu les indemnités compensant (partiellement) les dégâts causés par Ciaràn. Le gouvernement avait pourtant promis une aide puissante et rapide, au lendemain de la tempête, en évoquant la somme de 80 millions d'euros. Mais les aides ne seront pas rétroactives, c'est-à-dire que les travaux entamés depuis la tempête ne seront pas remboursés. Un comble, pour Fabienne Garel, éleveuse et présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor, alors que c'est l'Etat qui a tardé avant d'ouvrir les demandes d'aides.
"Un agriculteur touché... va forcément avoir commencé des travaux"
Cela "fait deux mois et demi que la tempête a eu lieu, forcément les agriculteurs impactés ont commencé à réfléchir à des travaux, à déblayer des choses, ils ont déjà engagé des frais, souvent avec des emprunts court terme... et tous ces gens-là sont complètement exclus, ils n'auraient pas dû démarrer les travaux. Or forcément, un agriculteur touché, admettons que ce soit un bâtiment qui abrite des animaux, va forcément avoir commencé (des travaux). Plus tôt il peut reprendre, plus tôt financièrement il peut être en capacité de rebondir."
Titre :Fabienne Garel, éleveuse et présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor
Crédit :Yann Launay
Aucune certitude d'être remboursé
Gilbert Brouder est producteur de légumes à Plougrescant et président des Maraîchers d'Armor. Ses tunnels ont été en partie détruits par la tempête, il était inconcevable pour lui de ne pas commencer la remise en état. Gilbert Brouder a rénové un tunnel sur ses fonds propres (les dommages sur des tunnels n'étant pas couverts par les assurances), et aujourd'hui il n'est pas sûr d'être remboursé.
"On est très surpris, on nous a parlé du plan de souveraineté alimentaire, c'est au moins le maintien de la production agricole. On pensait qu'au moins on aurait eu un Etat qui réponde positivement à la reconstruction de ces abris, pour qu'on puisse produire la même chose en 2024 qu'en 2023, et il ne s'est rien passé, on attend. Si vous voulez planter un plant de tomate dans un tunnel au mois de mars, le plant doit déjà être commandé, donc si vous ne savez pas si vous allez remonter la serre, si vous n'avez pas l'argent, vous n'allez pas commander votre plant de tomate, et vous allez louper votre saison de tomate l'été prochain, c'est dramatique."
Titre :Gilbert Brouder, président des Maraîchers d'Armor
Crédit :Yann Launay
Des exploitations fragilisées
Faute de soutien financier rapide et efficace, de nombreuses fermes se retrouvent économiquement fragilisées, comme en témoigne Sabine Le Tual, une maraîchère bio de Plouguiel, qui a perdu des tunnels et des récoltes. "Là j'en ai à peu près pour 30 000 euros de perte sur la ferme, ce qui est énorme car je suis seule sur l'exploitation. J'ai un chiffre d'affaires de 90 000 euros à l'année, donc 30 000 euros c'est beaucoup. J'ai quand même réussi à planter certaines choses pour le printemps, mais pour l'été prochain, si je n'ai pas de tunnel en place pour mi-mars, je ne peux pas faire de production d'été, et c'est l'été qu'on produit le plus et que le chiffre d'affaires est le plus important."
Titre :Sabine Le Tual, une maraîchère bio de Plouguiel
Crédit :Yann Launay
"Chaque agriculteur a le droit d'être considéré face aux dégâts de la même façon."
Les agriculteurs dénoncent aussi le principe du "premier arrivé, premier servi", qui semble devoir s'appliquer pour bénéficier de ce fonds d'urgence, comme l'explique Fabienne Garel au micro de Yann Launay. "Celui qui aura rempli son dossier très vite sera servi, celui qui mettra un peu plus de temps, s'il ne reste plus d'argent, il n'aura rien... C'est inacceptable, chaque agriculteur a le droit d'être considéré face aux dégâts de la même façon. Comme quoi, les annonces, qui ont été très rapides de la part du ministre de l'agriculture, de nous donner un fonds de l'ordre de 80 millions d'euros, pour trois régions impactées, eh bien le détail cache beaucoup de choses..."
Titre :Fabienne Garel, éleveuse et présidente de la FDSEA des Côtes d'Armor
Crédit :Yann Launay