Rennes. Les "Covid longs" créent un collectif pour plus de reconnaissance
Publié : 10 mai 2023 à 14h15 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Un collectif de bretons souffrant toujours de séquelles du Covid-19 s’est créé à Rennes (35). Ils attendent une meilleure reconnaissance de leur maladie et demandent une intensification des recherches pour trouver un traitement adapté. Témoignages au micro de Yann Launay.
Ils souffrent toujours de séquelles, plusieurs mois voire plusieurs années après avoir contracté le virus : les covid longs ne veulent pas être oubliés, et attendent une meilleure reconnaissance de leur maladie. Un collectif vient d'être créé, à Rennes, pour porter ce message, et demander une intensification des recherches. Il n'existe aujourd'hui aucun traitement curatif, en dehors de la rééducation proposée dans les unités covid long des hôpitaux. Ce collectif permet aussi aux personnes qui souffrent de covid long de mettre en commun leurs expériences, de s'épauler, de sortir de l'isolement.
Thierry : "On a une espèce de vertige éphémère, qui vous fait une absence qui n'est pas visible des autres"
Un collectif salvateur pour Thierry, qui a contracté deux fois le covid, et qui, plus d'un an après, souffre toujours de nombreux symptômes, souvent difficiles à expliquer à ses proches, comme le phénomène de "brouillard cérébral" : "c'est à dire, explique-t-il, à des moments où l'intensité intellectuelle ou physique et importante, on décroche. On a une espèce de vertige éphémère, qui vous fait une absence qui n'est pas visible des autres. C'est le niveau de désespérance, que l'on vit tous les jours et la colère qu'on a de ne pas arriver à se faire comprendre par les autres, que ce soit nos proches, que ce soit les médecins qui nous suivent. Il y a des fois, on a envie de tout casser et on est révoltés parce qu'on n'arrive pas à se faire entendre. On a une épée de Damoclès sur la tête journalière, parce qu'on ne sait jamais comment nos journées vont se passer, et dans quel état on va être. On a une épée de Damoclès sur le long terme parce qu'on ne sait pas si on va se sortir de cette maladie. On doit non seulement se battre contre la maladie, mais aussi se faire entendre auprès des autres, pour qu'ils arrivent à comprendre ce qu'on vit...c'est très difficile."
Titre :Thierry
Crédit :Yann Launay
Un handicap au quotidien
Les covid longs se heurtent souvent à l'incompréhension de leurs familles ou de leurs collègues... Quand ils ne se voient pas tout bonnement taxés de malades imaginaires, ou atteints de troubles psychosomatiques. C'est ce qu'a vécu Emilie, 40 ans, infectée par le covid en octobre 2020 : "j'ai des proches qui m'ont dit que j'étais dépressive au début de mon Covid long. J'ai été obligée de demander à la psychologue qui me suit à l'unité (à la cellule Covid- long de Pontchaillou) si j'étais en dépression... mais il n'y avait aucune dépression. La maladie peut conduire à une baisse de moral, mais vous n'êtes pas en dépression. On ne fabule pas, mais cela nous handicap au quotidien. Hier, j'ai fait 500m dans une braderie, et j'ai dû faire demi-tour parce qu'il y avait trop de monde autour de moi, trop de bruit et cela m'a provoqué ce brouillard cérébral."
Titre :Emilie
Crédit :Yann Launay
Le virus s'attaque au cerveau
Des études sont en cours pour tenter de mieux cerner les mécanismes du covid long. Parmi les symptômes qui reviennent souvent, on trouve les difficultés de concentration, les pertes de mémoire. Des symptômes que Laurent, 53 ans, vit au quotidien. Suivi à l'unité covid long du CHU de Rennes, lui en est convaincu : le virus s'attaque au cerveau : "J'ai pu faire un scanner du cerveau très précis, et ils ont trouvé (...) une déficience de circulation sanguine dans certaines zones du cerveau, qui entraîne tous les symptômes que j'ai : des symptômes cognitifs, des problèmes de marche, etc. J'ai 53 ans et en réalité, j'en ai 93, j'ai pris 40 ans dans la figure ! Je ne suis plus du tout le même, je ne travaille plus. J'ai essayé de travailler deux fois et deux fois j'ai raté malgré le télétravail, parce que la maladie est là, et le cerveau a été attaqué.
Est ce qu'on peut faire quelque chose ? Est ce qu'on pourra ?
Pour l'instant, il n'y a rien d'autre que cette fameuse rééducation, que j'ai déjà faite et puis petit à petit les unités COVID long ferment et n'ont plus de crédits. Petit à petit, on ne veut plus en parler, mais nous, on est là, on existe et on souffre."
Titre :Laurent
Crédit :Yann Launay
Elisabeth :"les aidants doivent être soutenus et accompagnés"
Le collectif est affilié à l'association nationale "Après J20", et demande une reconnaissance administrative des malades. Une loi a bien vu le jour, en janvier 2022, pour un meilleur accompagnement des covid longs, et pour une meilleure prise en charge de leurs frais de santé. Problème : plus d'un an après, aucun décret d'application n'est paru, et le loi reste donc lettre morte...
Le collectif breton veut aussi attirer l'attention sur les aidants, ces proches de malades covid longs. Des aidants eux aussi largement oubliés, comme le déplore Elisabeth, la femme de Laurent. Elle aussi souffre de symptômes persistants du covid, mais de façon moins sévère que son mari. "c'est difficile à vivre pour les malades, mais c'est difficile à vivre aussi pour toute la famille. Il faut apprendre à vivre autrement. Le fait que je sois atteinte, cela me permet de comprendre mon mari, et un aidant qui voit son conjoint complètement dégradé mais qui ne sait pas ce qu'il vit, c'est très compliqué car il faut faire le deuil de la personne d'avant et apprendre à vivre avec cette nouvelle personne. Une maladie comme ça peut détruire des familles."
Titre :Elisabeth
Crédit :Yann Launay
Le collectif se réunit chaque mois dans un café de Rennes. Pour entrer en contact avec le collectif, une adresse mail : covidlong.breizh@gmail.com