Prix. Le groupe mayennais Lactalis en conflit avec les producteurs de lait de l’ouest
Publié : 19 janvier 2024 à 7h46 - Modifié : 19 janvier 2024 à 8h17 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Le Mayennais Lactalis propose aux éleveurs 405 € les 1 000 litres de lait comme prix de base. Pour les producteurs, non seulement ce n’est pas assez mais c’est contraire à l’esprit de la loi EGAlim, visant à protéger leur rémunération. De Laval à Pontivy, ils ont manifesté hier (18 janvier) pour dénoncer ce prix de base proposé par le géant de l'agroalimentaire.
Il possède les marques Président, Bridel, La Laitière : le géant de l'agroalimentaire Lactalis est dans le collimateur des éleveurs laitiers, qui se sont mobilisés, ce jeudi (18 janvier). Des manifestations ont eu lieu dans l'Ouest et ailleurs en France, des rassemblements devant le siège de Lactalis, à Laval, et devant des sites de production comme à Bouvron, en Loire-Atlantique, à Saint-Florent-le-Viel dans le Maine-et-Loire, et à Pontivy dans le Morbihan. Les éleveurs rejettent le prix trop faible proposé par Lactalis pour leur acheter leur lait.
"Nous (agriculteurs) allons être la variable d'ajustement et ce sera à nous de payer !"
Ils ne veulent pas faire les frais des négociations commerciales entre les industriels et grande distribution. Pour Delphine Macé, éleveuse et présidente de l'Association des Producteurs de lait Bretagne Pays de la Loire, "quand on échange avec Lactalis, ils nous disent que c'est compliqué d'aller plus loin parce qu'eux-mêmes ont perdu des parts de marché dans les grandes surfaces, mais ils ont aussi cette demande a priori. Pour le Gouvernement, le panier de la ménagère ne doit pas augmenter et donc les GMS s'appuient là-dessus pour ne pas avoir d'augmentation des prix. Aujourd'hui, on revient dix ans en arrière : les agriculteurs sont "la variable d'ajustement". Les GMS ont un objectif, les industriels ont le prix qu'ils demandent et comme il faut aller chercher plus bas, ce sont nous qui allons être la variable d'ajustement et ce sera à nous de payer !"
Titre :Delphine Macé, présidente de l'Association des Producteurs de lait Bretagne PDL
Crédit :Yann Launay
"Il y a des jeunes qui doivent s'installer, et qui ont besoin d'une rémunération digne de ce nom..."
Dans certaines villes, les éleveurs ont investi des grandes surfaces pour coller des étiquettes sur les produits Lactalis, des fromages, des bouteilles de lait, des beurres, recouverts de messages comme "Ce produit ne rémunère pas votre producteur" ou encore "Lactalis se frotte les mains, les producteurs resserrent leur ceinture". Une opération menée par exemple à l'Intermarché de Pontivy, où les agriculteurs ont échangé avec le directeur du magasin : "Tout le monde a le droit de vivre. Aujourd'hui, il y a des gens qui nous achètent notre lait, et qui ne veulent pas le rémunérer à son juste prix. Il y a des jeunes qui doivent s'installer, qui ont besoin d'une rémunération digne de ce nom...
Quand on signe des accords pour Intermarché avec la Laiterie de Saint-Père, il y a des accords qui sont bons. Malheureusement, si Lactalis ne signe pas des accords "normaux" vis à vis de vous, nous en magasin, on peut rien faire... En travaillant avec cette entreprise, vous cautionnez un système qui fausse l'économie bretonne, et on l'accepte pas."
Lactalis - mobilisation devant le site du Sourn
Crédit : Yann Launay
Titre :Echange entre les agriculteurs et le directeur du magasin
Crédit :Yann Launay
"Ce n'est pas notre choix de partir car c'est la plus grosse entreprise mondiale en lait."
Ce bras de fer sur le prix d'achat du lait est loin d'être une première, et parmi les manifestants, certains se sont déjà mobilisés contre Lactalis ces dernières années. Pourquoi dans ces conditions ne changent-ils pas de laiterie ? Pour Jean-Jacques Michard, éleveur laitier à Rohan, dans le Morbihan, et président de la section laitière de la FDSEA, interrogé par Yann Launay, "ce n'est pas facile de changer de laiterie et en plus avec le contrat d Lactalis, il faut douze mois de préavis et après ce nest pas notre choix de partir car c'est la plus grosse entreprise mondiale en lait. Ils ont des marques Président, Lactel, etc. très connues du grand public et j'estime que c'est un bon groupe. A un moment, j'étais très fier de travailler pour eux -moi en ce moment-, mais j'espère que cela ira mieux l'année prochaine, ou dans les mois qui viennent..."
Titre :Jean-Jacques Michard, président de la section laitière de la FDSEA
Crédit :Yann Launay
Les produits importés en question
Les éleveurs attendent l'application de la loi Egalim, qui était sensée protéger leurs revenus, et attendent un véritable engagement de la part de l'Etat, pour préserver la production locale française. Avec ces prix tirés vers le bas, c'est l'autosuffisance de la France en lait qui est menacée à court terme, selon Johann Conan, président des Jeunes Agriculteurs du Morbihan : "Avec des coûts de construction, des taux d'intérêt de plus en plus hauts - l'inflation est passée par là - et un prix du litre de lait toujours à la baisse, comment voulez-vous aller installer des jeunes ? Ce qui nous fait peur aussi, c'est qu'il y a quand même de plus en plus de produits étrangers, qui rentrent dans notre pays, sans qu'on ait un gros contrôle là dessus... On parle d'impact carbone, mais quand ils vont faire 10 000 ou 15 000 kilomètres, cela ne dérange personne."
Titre :Johann Conan, président des Jeunes Agriculteurs du Morbihan
Crédit :Yann Launay
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Les représentants des éleveurs ont saisi le médiateur, des discussions pourraient redémarrer dans les jours qui viennent, pour obtenir un prix plus juste.