Première en France. La ligne Flixbus Brest-Grenoble roule au colza

Traverser la France dans un car qui roule au colza pur : c'est une première sur une telle distance, et ce sera une réalité dans quelques jours. La ligne Flixbus Brest-Grenoble va devenir la plus longue ligne commerciale d'Europe à rouler avec 100% de biocarburant. Cette liaison est assurée par l'entreprise morbihannaise Voyages Morio, qui vient d'acquérir tout spécialement des cars à double étage qui rouleront à l'huile de colza. Des cars dont les moteurs sont fabriqués en France.

La transition énergétique

Le directeur de Voyages Morio souhaitait faire entrer son entreprise dans la transition énergétique. Damien Kerrand  : "je suis allé me renseigner sur les différentes énergies, notamment le gaz, l'électrique et le colza. Le choix a été assez rapide parce que sur du gaz, on ne peut pas faire plus de 700 kilomètres sans ravitailler. Sur l'électrique, aujourd'hui, on a 400 kilomètres. Nous, avec le colza, on va réussir à faire 2.800 kilomètres. Et en plus de ça, le colza me parait hyper vertueux. Je ne voulais pas fixer un objectif à 2030 ou 2040 comme on entend parfois. Je voulais une transition énergétique qui soit immédiate et sur un maximum de notre production, c'est à dire un maximum de kilomètres. A partir d'octobre, on va faire 85 % de kilomètres dans l'entreprise au colza."

Sans augmentation tarifaire

Des cars flambant neufs qui roulent au colza, mais Flixbus tient à rassurer les voyageurs : il n'y aura pas d'augmentation des tarifs... Mais combien coûte, au juste, l'huile de colza-carburant ? Est-ce plus cher, moins cher, que le gasoil ? Les explications de Damien Kerrand, "le colza est payé le même prix que le gazole. On peut dire qu'on souffre de la hausse du carburant, mais ce serait vous mentir qu'on en souffre sur Flixbus, puisque quand le carburant augmente, on a plus de passagers. Les gens sont plus réfractaires à prendre leur voiture et il suffit d'avoir deux passagers de plus dans le car pour que cela annule l'effet de la hausse du carburant."

Un colza semé pour faire du carburant 

Mais ce colza, utilisé pour faire rouler des cars, ne vient-il pas prendre la place de productions alimentaires ? Selon Claire Duhamel, directrice d'Oléo 100, qui produit l'huile utilisée par les cars Morio, ce n'est pas le cas avec ce colza récolté en France, puisqu'il n'est pas semé spécifiquement pour faire du carburant : 

"Le colza va rentrer dans la nutrition de la ferme France de tous les élevages, qui sont faits en France. Ils ont besoin d'une nourriture riche en protéines. Et la France importe encore 50 % de l'alimentation pour le bétail qui est riche en protéines, et le colza est une solution. 40 % de la graine va faire de l'huile. 60 % va aller sur la partie solide, riche en fibres et en protéines vers l'élevage. Sur les 40 % d'huile, une grande partie par en alimentaire et c'est tout ce qui est en excédent, qui n'arrive pas à trouver de débouché dans l'huile alimentaire, qui va être valorisé en énergie."

Des primes pour les pratiques vertueuses

Les détracteurs des biocarburants mettent en avant un bilan global pas toujours si probant, puisque la culture du colza entraîne elle-même des émissions de CO2. Mais Oleo 100, qui produit le carburant utilisé par les cars Morio, cherche à augmenter la performance environnementale de son huile 100% française, en incitant les agriculteurs à optimiser leurs pratiques, grâce à des primes : 

"Cela peut être entre 20 et 80 € à la tonne de revenu supplémentaire pour un agriculteur qui aura des pratiques vertueuses. Ces pratiques peuvent être utiliser moins d'engrais. Au lieu d'utiliser des engrais azotés chimiques, on va utiliser le lisier, par exemple. Cela a un très bon impact sur les émissions de CO2. Si on ne fait pas de labour en profondeur, on va garder le carbone qui est stocké dans le sol. Et ce sera vertueux pour le bilan CO2 de la culture du colza."

Mais si l'huile de colza-carburant se développe, n'y a-t-il pas un risque de voir le colza concurrencer d'autres productions agricoles ? La réponse de Claire Duhamel à Yann Launay : "quand on a lancé OLéo 100, - une énergie 100 % végétale colza français, on s'est fixé un objectif de maximum 5 à 10 % de parts du marché de l'énergie utilisée dans les poids lourds... parce qu'on veut rester dans une agriculture raisonnée. On fera partie d'un mix énergétique : à chaque type de transport, son énergie. Là, on parle de longue distance, par exemple avec Flixbus longue distance, avec besoin d'une grande autonomie. Le biocarburant B-100 répond très bien à cet usage là."

La ligne Flixbus Brest-Grenoble est une liaison de nuit, qui dessert Quimper, Lorient, Auray, Vannes, Nantes, Angers, Saumur, Clermont-Ferrand et Lyon, soit un total de 1150km parcourus, sans ravitailler. Transport de passagers, agriculture, industrie automobile et industrie agro-alimentaire durables seront mis en avant pour ce lancement, qui réalise la synthèse de nombreuses compétences réunies pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et de particules.