Pesticides. L'eau ponctuellement non-conforme pour 40 % de la population bretonne

Publié : 23 février 2023 à 17h19 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

La région Bretagne a publié hier (mercredi 22 février) l'étude "Chiffres clés de l'eau en Bretagne". Aujourd'hui, la ressource en eau subit l’impact du changement climatique. La publication de données fiables sur ce sujet constitue un préalable indispensable au déploiement d’actions nouvelles ainsi qu’à leur suivi, pour la région. Les principaux enseignements.

On détecte des pesticides dans 99% des points de prélèvement des cours d'eau bretons, et 98% des points de suivi des eaux souterraines : c'est l'un des enseignements des "Chiffres clés de l'eau en Bretagne", une vaste étude produite par l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne (OEB), qui vient d'être rendue publique par la région Bretagne. Ces pesticides retrouvés sont principalement des molécules d'herbicides et des molécules issues de la dégradation de différents produits de traitement. L'étude montre aussi que ces pesticides peuvent se retrouver dans l'eau du robinet.


Les chiffres ont de quoi effrayer, alors faut-il s'inquiéter pour la santé ? Les précisions d'Aurélie Mestres, présidente de l'OBE Bretagne, interrogée par Yann Launay : "si on regarde l'eau potable, on a 40 % de la population régionale, qui a reçu en 2021 une eau qui, ponctuellement était non-conforme sur la question des pesticides. Attention à la compréhension de ce chiffre: les autorités sanitaires fonctionnent pour beaucoup de molécules qui sont recherchées selon deux seuils : un seuil de qualité et un seuil sanitaire, au delà duquel on considère qu'il y a un danger pour la santé humaine et au delà duquel on interdit la distribution d'eau potable. Les dépassements et la non-conformité observés pour 40 % de la population en 2021 ne concernent que le seuil de qualité, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de danger pour la santé humaine."


A noter que l'ingestion de pesticides par la consommation d'eau du robinet représenterait 5 à 10% de la consommation totale par l'alimentation.

Titre :Aurélie Mestres

Crédit :Yann Launay

Le meilleur filtre c'est la nature


Reste que les seuils retenus sont discutés : les effets cocktails, les combinaisons entre plusieurs molécules, ne sont pas évalués. Le traitement de l'eau est de plus en plus coûteux, pour éliminer les pesticides, et la facture des consommateurs pourrait encore augmenter dans les temps qui viennent. Pour Delphine Alexandre, vice-présidente de la Région Bretagne (en charge de la santé, de l'eau, de la biodiversité), la course technologique à la dépollution n'est pas la solution : "on peut continuer à financer des filtres à charbon actifs qui représentent des coûts exorbitants, mais notre voie d'avenir consiste davantage en une transition globale de la société plus qu'en ces traitements ponctuels et qui répondent à une situation d'urgence...


Le meilleur filtre, c'est la nature... C'est le fait de pouvoir garantir le stockage de l'eau dans des zones humides, d'avoir des talus, d'avoir des haies, d'avoir des zones de prairies. Le meilleur filtre, c'est le naturel, mais encore faut il cette juste adéquation entre ce que l'activité anthropique - activités humaines rejette dans la nature et la capacité de la nature à pouvoir le traiter."

Titre :Delphine Alexandre

Crédit :Yann Launay

Une teneurs en nitrates en baisse


La présence de pesticides dans les eaux bretonnes est un défi de taille à mener de front avec la lutte contre les fortes teneurs en nitrate : des teneurs qui désormais ne baissent plus, et qui restent élevées : "on est sur une stagnation aujourd'hui des teneurs en nitrates. Effectivement, depuis quelques années, on a quand même une qualité de l'eau qui s'est énormément améliorée depuis les années 90. Si on regarde les teneurs en nitrates, elles ont baissé de 17 % sur les cours d'eau entre 1995 et 2020 et elles ont baissé de 27 % dans les eaux souterraines sur la même période... En termes de pourcentages, on a des teneurs qui sont encore importantes : en moyenne dans les cours d'eau 32,1 milligrammes par litre de nitrates en 2020... et c'est ce qui explique des phénomènes comme la prolifération des algues vertes en Bretagne."

Titre :Aurélie Mestres

Crédit :Yann Launay

Tous les résultats de l'étude sont à retrouver sur le site de l'Observatoire de l'environnement en Bretagne, à l'adresse : bretagne-environnement.fr