Balcons effondrés : le procès s'ouvre aujourd'hui à Angers

Publié : 9 février 2022 à 8h43 - Modifié : 9 février 2022 à 8h58 par Dolorès CHARLES

Crédit : Charles Guyard

C'est un procès hors norme qui s'ouvre ce mercredi devant le tribunal correctionnel d'Angers. On l'appelle le procès des "balcons effondrés", mais cet accident a surtout entraîné la mort de 4 jeunes Lou, Antoine, Benjamin et Baptiste, et il en a blessé une dizaines d'autres.

Le procès des constructeurs est très attendu par les familles des victimes, au Palais de justice d'Angers, plus de 5 ans après l'effondrement d'un balcon qui a entraîné la mort de 4 jeunes gens, âgés de 18 à 25 ans : Lou, 18 ans, Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, et Baptiste, 25 ans. Tous ces étudiants fêtaient une pendaison de crémaillère dans un appartement situé au troisième étage de la résidence "Le Surcouf", en octobre 2016. Certains étaient sur la terrasse du balcon, quand le drame est survenu. Une chute de plus de 8m, entraînant la chute des balcons inférieurs.


Cinq prévenus


Cinq prévenus doivent répondre de malfaçons à l'origine de l'effondrement du balcon, malfaçons confirmées via les expertises réalisées. Il s'agit de l’architecte, l’ancien gérant de l’entreprise de gros œuvre (société Bonnel), le conducteur de travaux, le chef de chantier et le contrôleur technique. La défense évoque d’autres causes potentielles, comme un défaut d’alerte ou d’entretien.


Ce drame, Théophile Chéné, 20 ans à l'époque l'a vécu en direct. Dans la tragédie, il a perdu sa sœur Lou, et deux copains.


Il se confie au micro de Charles Guyard : "D'un coup le balcon s'est écroulé. Après la chute, on a l'impression que c'est une scène de guerre, avec de la poussière, des débris de balcon, de bâtiment, des gens en sang, des cris, des pleurs, des cadavres, c'est des images qui hantent. Physiquement, j'ai eu des blessures au pied mais ces blessures-là sont superficielles. Celles qui ne le sont pas sont morales : c'est le fait d'essayer de vivre du mieux que je peux avec ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu, avec l'absence de ma sœur et de mes deux meilleurs amis."

Titre :Théophile Chéné

Crédit :Charles Guyard

Ce n'est pas un accident de la route


Le drame a coûté la vie de Lou Chéné, 18 ans à l'époque. Ses parents, Guillaume et Pascale attendent des réponses de la justice. "Guillaume Chéné, le papa : On veut que toues les responsabilités soit établies de façon juste. Ce n'est pas un accident de la circulation, ce sont des professionnels qui construisent des immeubles, des balcons. Ce n'est pas normal qu'on aille sur des balcons en ayant peur. Et ce que l'on veut c'est que ces gens-là qui continuent de travailler, ne puissent plus travailler dans ces conditions-là soient punis à la hauteur de leurs erreurs.


Pascale Chéné, la maman : Et si la condamnation est forte, j'espère que ça sera dans la tête de tous les constructeurs qui n'auront pas l'idée de construire vite et n'importe comment. Après, nous allons dans un tribunal et ce sont juges qui décideront, je m'en remets à eux et j'ai confiance."

Crédit : Charles Guyard

Titre :Guillaume et Pascale Chéné

Crédit :Charles Guyard

Toutes les parties vont s'expliquer


83 parties civiles se sont signalées. Des parties civiles en quête de réponse, et sans doute plus. Maître Patrick Descamps est l'avocat de Frédéric Rolland, architecte de renom à Angers. Sa tâche sera de faire entendre aux parties civiles que son client n'est pour rien dans le drame :


"Ce qu'ils attendent ce sont des explications et des excuses. Alors bien sûr, on va leur donner des explications et on formulera des excuses si on doit en faire c'est évident. Ce que je souhaite c'est qu'on puisse aborder maintenant le temps du procès avec une certaine sérénité et dignité. Vous savez nous ce qu'on veut c'est concourir à la manifestation de la vérité. Si le procès démontre une responsabilité quelconque du cabinet Rolland, il est évident que nous feront face, nous l'accepterons. Mais permettez qu'on s'explique et qu'on explique pourquoi de notre point de vue, celui de la défense, il n'y a pas lieu de retenir une responsabilité pénale, de surcroît une responsabilité pénale personnelle, de monsieur Rolland."

Titre : Maître Patrick Descamps

Crédit :Charles Guyard

"On veut une vérité judiciaire"


Maitre Louis-René Penneau va représenter 32 parties civiles, qui attendent beaucoup de ce procès. "Mes clients et moi-même attendons une prise de responsabilité des prévenus, si c'est possible. On veut une vérité judiciaire, on pense qu'il est nécessaire d'avoir des condamnations et c'est ce qu'on attend de ce dossier. On a une défense qui consiste à dire "je n'étais pas sur le chantier, je n'ai pas fait mon métier, donc ce sont les autres qui sont responsables !" Evidemment, c'est totalement inaudible pour les parties civiles. Ce procès va avoir un retentissement national, et c'est déjà le cas, au niveau de toutes les professions qui participent à une construction. En indiquant clairement : "vous n'avez pas juste à construire un bâtiment qui dure 10 ans juste le temps de la garantie décennale, mais des bâtiments sûrs qui ne tuent pas les gens."


 

Trois semaines au moins


Le procès doit durer au moins jusqu'au 4 mars. La demande en nullité de certains actes réclamée par la défense ne compromettra pas la tenue même de ce procès au tribunal d'Angers. Les prévenus sont poursuivis pour homicides involontaires et blessures involontaires, et ils encourent des peines allant de l'amende de 1.500 euros pour les blessures les plus légères à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende pour les homicides.