La parole se libère aussi chez les victimes d'incestes
Publié : 21 octobre 2021 à 7h27 par Dolorès CHARLES
Crédit : Jules Housseau
Les victimes d'abus sexuels n'ont plus à se cacher. Après le rapport Sauvé qui n'a pas fini d'ébranler l'église, la Ciivise encourage à son tour à libérer la parole des enfants. La commission faisait étape hier à Nantes.
La CIIVISE pour la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a lancé un grand appel à témoignages dans toute la France, le 21 septembre dernier. Résultat un mois plus tard, plus de 4 200 témoignages ont afflué. Edouard Durand, ancien juge pour enfant à Marseille et Bobigny dirige la Ciivise et il tenait hier soir sa toute première réunion publique à Nantes, au sein de la Manufacture des Tabacs.
"Il y avait une attente très forte des personnes victimes. Que leurs paroles soient lues, vues, mais écoutées, et prises en considération par une instance publique pour construire une politique publique de protection. Il faut donner confiance sur tout le territoire, dans les institutions qui mettent déjà en oeuvre la culture de la protection. Bien sûr que nous sommes liés à ce que l'église de France a impulsé en son sein par la commission Sauvé. C'est à dire faire la lumière sur les violences sexuelles. Ce que l'église de France a fait, toute institution doit le faire, parce que les enfants doivent être protégés, où qu'ils vivent."
Titre :Edouard Durand
Crédit :Jules Housseau
"On va peut-être pouvoir protéger les enfants"
Ce "succès" de l'appel à témoignages n'étonne pas tant Ernestine Ronay, responsable de l'observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis, et membre de la Ciivise :
"Le fait que l'appel à témoignages ai connu un tel succès si vite, oui c'est un peu surprenant mais ça fait plaisir... car les personnes concernées par cette commission la considèrent comme utiles et cela ça nous donne une responsabilité formidable. Elles comptent sur nous pour que les choses changent. Elles vont pouvoir parler, c'est la première chose. La deuxième chose, on va peut-être pouvoir protéger les enfants, c'est le sens de notre travail, et lutter contre la prescription, en tout cas l'élargir. Il me semble que l'on peut encore largement élargir la prescription."
73% des plaintes sont classées sans suite...
Christelle, 36 ans, vit en Loire-Atlantique. La jeune femme a été victime d'inceste entre 9 et 13 ans et aujourd'hui, elle attend beaucoup de cette commission qui pourrait l'aider à franchir une étape décisive :
"Verbaliser, je l'ai fait, mais en fait on m'a dissuadé de porter plainte, donc je ne l'ai toujours pas fait. J'ai encore un an et demi, moi. A l'époque, il n'y avait pas de libération de la parole, donc forcément quand on n'en parle pas, on ne se sent pas protégé par les adultes. Et puis c'est l'éducation aussi qui est à refaire des enfants, par rapport à ces choses-là. (Qu'attendez-vous de cette commission ?) Que ça bouge, que ça fasse bouger les lois. Surtout des actes. Quand on voit que 73% des plaintes qui sont classées sans suite, ça ne peut pas continuer comme ça !"