Opération "Ports Morts" : la filière pêche à l'arrêt aujourd'hui et demain

Publié : 30 mars 2023 à 8h27 - Modifié : 30 mars 2023 à 8h28 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

Le Comité national des pêches appelle à deux journées "Ports morts" ce jeudi et vendredi en France. Les pêcheurs dénoncent le prix du carburant, la pression administrative et la décision Conseil d'Etat de fermer certaines zones de pêche pour limiter les captures accidentelles de dauphins. Le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, sera lui aux Sables-d'Olonne en Vendée.

Des bateaux qui restent à quai, des mareyeurs fermés, des usines de transformation à l'arrêt : c'est toute la filière pêche qui est appelée à participer à l'opération "ports morts", ce jeudi (30 mars) et ce vendredi (31 mars) dans l'Ouest comme sur tout le littoral français. C'était d'ailleurs déjà le cas depuis quelques jours à Lorient, Erquy, Douarnenez, Saint-Brieuc, Concarneau ou encore Saint-Malo. Des ports rejoints ce jeudi par La Turballe, Le Croisic, les Sables d'Olonne ou Saint-Gilles-Croix-de-Vie.



Les pêcheurs artisans refusent l'interdiction du chalut de fond dans les aires marines protégées



Les pêcheurs côtiers s'estiment condamnés à disparaître, si plusieurs mesures environnementales en préparation devaient s'appliquer. Déjà fragilisés par le Brexit et par la hausse du prix du gasoil, les pêcheurs artisans refusent l'interdiction du chalut de fond dans les aires marines protégées. Comme ils refusent la fermeture de zones de pêches dans le Golfe de Gascogne, envisagée pour éviter les captures accidentelles de dauphins : ce serait une véritable injustice pour Olivier Le Nézet, président du Comité national des Pêches : "le golfe de Gascogne est la zone de pêche la mieux encadrée, la mieux gérée au monde. Aujourd'hui, on vient accuser les pêcheurs, les criminaliser par certaines ONG n'est plus ni acceptable. Ces journées de filière mortes sont aussi une demande de solidarité de la population française, pour rappeler que demain potentiellement, ils (les Français) n'auront plus de produits frais sur leurs étals. L'urgence est là, il y a une vraie colère et elle doit être apaisée et pour être apaisée, il faut être entendu."

Titre :Olivier Le Nézet, président du Comité national des Pêches

Crédit :Yann Launay

C'est la Commission européenne qui a décidé d'interdire la pêche au chalut de fond dans les aires marines protégées : une décision déconnectée de la réalité, selon Olivier Le Nézet interrogé par Yann Launay : "Il y a des parcs marins où depuis plusieurs dizaines d'années, les professionnels, les associations, les élus, les scientifiques (nous) travaillons collectivement et on ne peut que s'en féliciter aujourd'hui. Il y a une durabilité de la ressource dans ces aires marines protégées. En fait, là où il n'y a pas d'aires marines protégées, on peut continuer à faire n'importe quoi, et là où en France, en Bretagne, principalement dans le golfe du Lion, en Corse et dans bien d'autres régions... on sanctionne ceux qui ont travaillé !"



Il n'y a que des mauvaises pratiques



Cette volonté d'interdire les chaluts de fond est pour Olivier Le Nézet une négation de tout le travail accompli depuis plusieurs décennies pour une pêche plus durable, et un flagrant délit d'incohérence pour la Commission européenne : "ces mauvaises pratiques sont sanctionnées : derrière, il y a une politique commune des pêches avec un réglement contrôle qui fait qu'aujourd'hui les navires sont suivis 24h sur 24, et que toute infraction est sanctionnée. Comment se fait il que unilatéralement la commission se permette de proposer un plan d'action, qui se fiche de tout ça d'un revers de main ? C'est une honte ! Les élus du Parlement européen doivent reprendre la main. Le Conseil des chefs d'Etat reprend la main et le Conseil des ministres doit reprendre la main sur cette politique qui est à la dérive complète avec une commission hors sol."

Crédit : Yann Launay

Titre :Olivier Le Nézet, président du Comité national des Pêches

Crédit :Yann Launay

Les derniers poissons ont été expédiés jeudi


Ces opérations "Ports morts" vont rapidement se ressentir sur les étals des poissonneries et cartes des restaurants : c'est une certitude pour le mareyeur Patrick Deletre, qui gère "Les Nouvelles pêcheries armoricaines", basées à Lorient. Spécialisé dans le poisson français de qualité, Patrick Deletre fournit notamment Rungis, ainsi que des distributeurs de l'Ouest et de toute la France. Son atelier de découpe est à l'arrêt, ses chambres froides sont vides : les derniers poissons ont été expédiés ce jeudi :


"Aujourd'hui tous les bateaux bretons sont à quai, 0 % dans mon magasin, on est au chômage technique. Je ne fais que de la pêche française, que la pêche côtière bretonne : du bar, de la sole, du turbot, du merlan, du merlu... Aujourd'hui, on n'a plus rien. Vendredi, on a fermé par solidarité et lundi, on verra comment ça se passe ! Nous, on soutient les marins et on est à 100 % derrière eux. Si aujourd'hui, on les empêche d'aller travailler pendant quatre mois dans l'année, pendant quatre mois, on n'a rien. Le consommateur final n'est pas si au courant que ça. Et nous, en tant que mareyeurs, on essaye d'envoyer les messages à nos clients : les poissonniers, les grandes surfaces. Ils ont plus de chances d'atteindre le public final que les gens qui viennent acheter pour qu'ils soient sensibilisés à la cause des marins."

Titre :Patrick Deletre

Crédit :Yann Launay

Le patrimoine français en péril


Patrick Deletre est solidaire du cri de détresse des pêcheurs artisans, et attend une réaction rapide de la part du gouvernement : "si onne leur promet rien, et  qu'on les laisse mourir seuls dans leur coin, vous allez voir toute une filière descendre comme un château de cartes. Les boites vont fermer telles que les peut-être la mienne ou celle du voisin, le poissonnier... le marin pêcheur qui fait vivre quatre personnes sur terre. Un mareyeur, comme moi, fait vivre douze personnes. C'est un patrimoine français qui est en péril... Il ne faut pas que cela finisse comme ça."

Titre :Patrick Deletre

Crédit :Yann Launay

Hervé Berville aux Sables-d'Olonne


Les pêcheurs devraient rencontrer Hervé Berville, le Secrétaire d'Etat à la Mer, ce jeudi aux Sables-d'Olonne. Une manifestation est prévue à Brest, toujours ce jeudi, à partir de 10h (le rendez-vous est fixé devant la criée). Vendredi, pêcheurs et mareyeurs sont invités à déposer symboliquement leur bilan devant le tribunal de commerce de Quimper, et à midi (vendredi) tous les bateaux à quai sonneront leur corne de brume.


L'idée d'une manifestation samedi, peut-être à Paris, a été lancée, tout comme l'idée d'une manifestation à Bruxelles, en associant d'autres pêcheurs européens. Olivier Le Nézet a officiellement demandé à rencontrer le président Emmanuel Macron ainsi que la présidente de la Commision européenne, Ursula Von der Leyen.