Deux religieux de l'Ouest kidnappés en Haïti
Publié : 14 avril 2021 à 14h31 - Modifié : 7 octobre 2021 à 9h45 par Dolorès CHARLES
Port-au-Prince
Crédit : pixabay
Retour sur le kidnapping en Haïti de dix personnes dont sept religieux - cinq Haïtiens et deux Français. Tous deux sont originaires de l'Ouest, une soeur des Pays de la Loire et un prêtre breton.
Ce sont dix personnes qui ont été kidnappées près de Port-au-Prince en Haïti dimanche, par un gang armé. Parmi ces 10 personnes, sept religieux catholiques, dont deux Français originaires de l'Ouest et trois membres de la famille d’un prêtre haïtien. Agnès Bordeau a été enlevée alors qu'elle se rendait à l'installation d'un nouveau curé. Depuis 25 ans en Amérique Centrale et depuis 2018 en Haïti, Sœur Agnès Bordeau est membre de la congrégation "La Providence" à La Pommeraye, dans le Maine-et-Loire. Cédric Mané a joint Soeur Jocelyne Dan, qui connait Soeur Agnès Bordeau. En temps habituel celle qui est originaire de Peuton en Mayenne ne se déplace pas et accueille dans le centre religieux, pour éviter ainsi les dangers :
Soeur Jocelyne Dan
"Vous savez les soeurs dans les communautés religieuses ce n'est pas exceptionnel. A partir du moment où une femme est née en forme physique; qu'elle est bien dans sa tête et dans son corps, bien dans ses baskets, et si la mission appelle à quitter son pays d'origine pour aller dans un autre lieu et qu'elle a la capacité, les soeurs elles y vont... Quand on choisit la vie religieuse, on a donné sa vie au Christ, si on nous appelle et qu'on a les compétences d'y répondre, on dit oui... Si c'était vraiment impossible à vivre on enverrait pas les soeurs."
Soeur Agnès Bordeau ne sort pas beaucoup
Agnès a été envoyée en Haïti, en connaissant les dangers, elle ne sort pas beaucoup :
Soeur Jocelyne Dan 2
"Quand nous avons envoyé Agnès, on ne l'a pas envoyé en sachant que c'était invivable, mais c'est vrai qu'il y a des dangers... et les dangers il faut en parler en communauté. En Haïti en ce moment vu les conditions politiques, il y a trop de violences pour aller dans les villages... Elle reste à la commuanuté et ce sont des personnes qui viennent là où elle habite pour rencontrer des soeurs et parler, mais elle ne sort pas beaucoup."
Le père Michel Briand : un homme dévoué
Aux côtés de sœur Agnès Bordeau âgée de 79 ans, il y a le père Michel Briand, un breton de 67 ans originaire de Messac en Ille et Vilaine. "Un homme dévoué" selon ses proches, qui vit en Haïti depuis plus de 30 ans. Le missionnaire a connu bien des déboires dans ce petit pays gangrené par la violence et la misère : il a vu les murs de son presbytère s’effondrer lors du séisme meurtrier de 2010, et il a survécu 5 ans plus tard (2015) à une agression par balle. Les cinq prêtres kidnappés à ses côtés appartiennent à la Société des prêtres de Saint-Jacques, établie à Guiclan dans le Finistère. La Conférence des évêques de France et la Conférence des religieux et religieuses de France ont appelé les ravisseurs à « libérer les hommes et les femmes de paix et ne pas ajouter encore de la haine là où se trouvent déjà la pauvreté et l’insécurité ».
Tout mon soutien aux 7 religieux enlevés dimanche dernier à #Haïti ainsi qu’à la famille et aux confrères de la sœur Agnès Bordeau, membre de la communauté des Sœurs de la Providence de La Pommeraye.
— Christelle MORANÇAIS (@C_MORANCAIS) April 12, 2021
Depuis quelque mois les enlèvements ont connu une recrudescence en Haïti. Les ravisseurs réclament une rançon d’un million de dollars. Sur place la police soupçonne un gang armé actif baptisé « 400 Mawozo ». A Paris, le Parquet a annoncé l’ouverture d'une enquête pour « enlèvement et séquestration en bande organisée ».
"Les chefs de quartier décident de qui a le droit de faire quoi"
Haïti est réputé pour sa dangerosité, au point que les ONG - les Organisations Non Gouvernementales - prennent des mesures de sécurité drastiques pour protéger son personnel. Julie Fernagu a travaillé en Haïti pour une ONG pendant plusieurs mois, et elle raconte comment sont sécurisés les déplacements des membres de l'ONG sur l'île :
Julie Fernagu
"Les mouvements à travers le pays sont potentiellement dangereux. Pour me rendre à Cap Haïtien, mon lieu de mission, on a décidé d'y aller par hélicoptère. Sinon le reste du temps, tous les déplacements ont lieu en véhicule identifié de mon organisation... et dans des zones restreintes, avec des axes identifiés préalablement. C'est-à-dire qu'on n'était pas autorisé à se déplacer librement dans la ville. Quoi qu'il arrive, se déplacer par la route ce n'est pas conseillé".
Cheffe de mission sur l'île pour des ONG au moment d'une épidémie de choléra au début des années 2010, Julie Fernagu explique que la connaissance des réseaux locaux permet aux expatriés d'être épargnés par les enlèvements, même si tout peut arriver à n'importe qui : les membres d'ONG, mais aussi les locaux et donc les religieux que sont les personnes enlevées ce week-end.
Julie Fernagu 2
"C'est un pays complètement déstructuré, à tendance corrompu, en gros c'est un peu les chefs de quartier qui décident de qui a le droit de faire quoi. Ce n'est pas ciblé que humanitaires et internationaux. Les Haïtiens entre eux sont coutumiers de kidnapper des gens contre rançon. Evidemment que les mecs vont menacer de faire un barbecue comme disait le superviseur du prêtre... La menace c'est ça : c'est de tuer s'ils ne payent pas".
Un reportage de Cédric Mané.