Grand Ouest : les pêcheurs interdits d'aller dans le Golfe de Gascogne

Publié : 22 janvier 2024 à 18h28 - Modifié : 22 janvier 2024 à 18h30 par Dolorès CHARLES

Un fileyeur amarré au port de Lorient

Crédit : Yann Launay

Les pêcheurs de l'Atlantique interdits d’aller pêche dans le Golfe de Gascogne à partir d’aujourd’hui, 22 janvier, et pour un mois. Cette mesure inédite vise à réduire les décès des dauphins pris accidentellement dans les filets : elle répond aussi à la demande des associations de défense des animaux.

Plus de 500 bateaux de pêche (de plus de 8 mètres) vont rester à quai pour un mois, à compter de ce lundi (22 janvier), d'Audierne à Saint-Jean-de-Luz, en passant par Le Guilvinec, Lorient, La Turballe ou Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Le Conseil d'Etat leur interdit de pêcher dans le Golfe de Gascogne, pour éviter les captures accidentelles de dauphins et de marsouins. Cette décision inédite est la conséuence de la saisie du Conseil d'Etat par six associations de défense de l'environnement, dont Sea Shepherd et France Nature Environnement.



"On n'aime pas voir des dauphins de nos filets, de toute façon"



Les pêcheurs et toute la filière sont vent debout, à l'image de David Le Quintrec, pêcheur côtier à Lorient, qui ne décolère pas devant cette interdiction, qu'il juge excessive et injuste : "on ne comprend pas cette décision, sur quels faits scientifiques repose la décision du juge ? Nous sommes les premiers observateurs sur l'eau., et on se rend compte qu'il y a une population de dauphins en constante augmentation. Quand on fait des captures accidentelles, cela nous fait mal au cœur. On n'aime pas voir des dauphins de nos filets, et j'ai été un des précurseurs pour mettre un effaroucheur sur la coque de mon bateau pour écarter les dauphins et éviter justement les prises accidentelles. C'est un système qui marche très bien : jusqu'à présent, les prises accidentelles de dauphins que j'ai fait se sont produites quand l'appareil n'était pas en route."

Titre :David Le Quintrec, pêcheur côtier à Lorient

Crédit :Yann Launay

Des indemnisations sont prévues, pour les pêcheurs comme pour les autres acteurs de la filière, mais elles ne couvriront pas toutes les pertes, et David Le Quintrec préfère ne pas trop compter sur ces compensations. 



"Avec cette décision, les navires à quai ne pourront pas démontrer que certains de ces appareils permettent de limiter et de diminuer les captures accidentelles."



Une interdiction contre-productive, pour le Morbihannais Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches, puisque les moyens techniques déployés pour trouver des solutions ne seront pas mis en œuvre : "tous les navires que nous avons équipés pour démarrer le début de l'année avec des effaroucheurs, des réflecteurs radar, des caméras... pour avoir de la donnée et de la connaissance... avec la décision du Conseil d'État, ces navires qui seront à quai, ne pourront pas démontrer que certains de ces appareils permettent de limiter et de diminuer les captures accidentelles. Il est évident que le souhait du pêcheur, mais de tout à chacun, c'est qu'il y ait une population de dauphins. Aujourd'hui un rapport européen le dit très clairement : le stock de population de dauphins dans le golfe de Gascogne est stable depuis 20 ans."

David Le Quintrec

Crédit : Yann Launay

Titre :Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches

Crédit :Yann Launay

De son côté, un chercheur de l'observatoire Pélagis a publié en 2022 une thèse montrant que l'espérance de vie des dauphins communs a baissé de 7 ans, ces dernières années, dans le Golfe de Gascogne. La thèse montre que le taux de croissance de la population de dauphins est en nette baisse, et met la survie de l'espèce en danger, sans pouvoir établir de lien avec les captures accidentelles.


Toute une filière se retrouve impactée


Du pêcheur au transporteur, du mareyeur au poissonnier, tout le milieu est impacté : Guénolé Merveilleux est le patron du groupe Océalliance, premier mareyeur de France, et président de l'ABAPP - l'Association bretonne des acheteurs des produits de la pêche. Il dénonce une interdiction qui met du jour au lendemain des dizaines d'entreprises dans une situation critique.


A compter de ce lundi, des ateliers n'auront plus de poisson à préparer et le chiffre d'affaires va s'en ressentir, tout comme l'emploi : "on arrête tous les intérimaires, qu'on pouvait avoir un contrat, les CDD quand c'est possible, et on est obligés de mettre en place du chômage partiel, nos salariés ne seront plus payés à 100 %. Et puis dernière conséquence : nos clients vont être mécontents parce que pendant un mois, il n'y aura plus de poisson et ces clients là iront chercher du poisson dans d'autres pays qui les accueilleront à bras ouverts. Ce sont potentiellement des clients qu'on ne retrouvera plus..."

Titre :Guénolé Merveilleux est le patron du groupe Océalliance

Crédit :Yann Launay


"Ceux qui veulent tuer la pêche française sont ceux qui ont fait ces recours."



Pour Olivier Le Nézet, les ONG de défense de l'environnement se trompent de cible, en venant fragiliser les "bons élèves", au profit des mauvais : "ceux qui veulent tuer la pêche française sont ceux qui ont fait ces recours. Cette interdiction de pêche concerne principalement la petite pêche et la pêche artisanale, celle qui, à leurs yeux apparemment, est celle qu'il faut protéger mais aujourd'hui c'est eux qui en sont les fossoyeurs et qui vont favoriser des produits qui viennent de pays tiers comme la Chine, où il n'y a aucun volet social auprès des pêcheurs, parce que souvent ce sont des prisonniers politiques, avec des navires en totale illégalité en terme de pêche, mais bon cela n'a pas l'air d'interpeller ces associations."

Titre :Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches

Crédit :Yann Launay

Le Comité national des Pêches et les acteurs de la filière attendent un sursaut des élus de l'Ouest, et préparent une contre-attaque juridique, pour éviter une reconduite de cette interdiction en janvier 2025, ce qui est actuellement prévu.