Les galettes de blé noir seront-elles des victimes indirectes de la guerre en Ukraine ?
Publié : 4 mai 2022 à 8h18 - Modifié : 5 mai 2022 à 9h00 par Dolorès CHARLES
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Le risque de pénurie de blé noir breton est bien réel, conséquence de l'invasion russe en Ukraine. Les explications de l'association "Blé Noir Tradition Bretagne" avec Yann Launay.
A quelques jours du début des semailles, il manque entre 100 et 150 producteurs, par rapport à l'an dernier. De nombreux agriculteurs se détournent cette année du sarrasin pour miser sur d'autres cultures, comme le blé, dont les cours se sont envolés avec la guerre en Ukraine. L'association "Blé Noir Tradition Bretagne", qui a œuvré à la renaissance de la filière, tire la sonnette d'alarme. Pour sa directrice, Christine Larsonneur, interrogée par Yann Launay, miser sur du blé ou du colza au détriment du blé noir n'est pas forcément un si bon calcul :
"Les augmentations de prix, c'est effectivement sur le blé qui va être payé au producteur, mais c'est aussi sur les engrais qui viennent d'Ukraine, et ils vont connaître une augmentation de prix, et peut-être des manques. C'est important à prendre en compte dans la marge du producteur. Le blé noir est une culture propre : avant le semis, on ne traite pas la parcelle. Il va pousser très vite, et avec ses larges feuilles, il va asphyxier les mauvaises herbes. Non seulement il n'y a pas de produit homologué pour traiter le blé noir, mais il n'en a pas besoin..."
Titre :Christine Larsonneur
Crédit :Yann Launay
La production recule
Blé Noir Tradition Bretagne lance un appel aux agriculteurs, pour qu'ils soient plus nombreux à consacrer des surfaces au sarrasin. Il manquerait entre 1300 et 1500 hectares sur la Bretagne historique (l'IGP - l'Indication géographique protégée "Blé noir de Bretagne" concerne aussi bien évidemment la Loire-Atlantique) pour couvrir les besoins des meuniers. Si la production recule, les conséquences se feront sentir l'an prochain, et au plus mauvais moment, comme l'explique Christine Larsonneur :
"Là, aujourd'hui, on bénéficie de la récolte de l'année dernière, on va satisfaire le besoin de nos meuniers jusqu'au mois de septembre. Si jamais on a un problème de pénurie, on va la vivre au mois de mai-juin l'année prochaine, au moment où la période touristique est au plus haut en Bretagne. Ça veut dire que nos crêpiers vont se tourner vers au autre blé noir, français ou d'importation, et pour les faire revenir dans la filière, c'est beaucoup plus compliqué..."
Crédit : Yann Launay
Titre :Christine Larsonneur
Crédit :Yann Launay
Non au blé noir d'importation
Christine Larsonneur appelle les producteurs à réserver des hectares pour le sarrasin, à profiter aussi de la dérogation européenne qui autorise à semer des terres en jachère et à conforter une filière aujourd'hui menacée : "La nature a horreur du vide : on va être vite remplacé par du blé noir d'importation, et pour pour moi ce serait intolérable. Le blé noir est quand même emblématique de la Bretagne, quand on voyage, on nous parle de la galette... Si on abandonnait une seconde fois cette culture en Bretagne, pour moi ce serait catastrophique. Depuis les 2 -3 dernières années, tout concourait au développement de la filière, il faut vraiment que l'on continue notre élan."
Titre :Christine Larsonneur
Crédit :Yann Launay
José Jaglin s'apprête à semer du blé noir
Certains ont entendu l'appel : c'est le cas de José Jaglin, installé à Saint Gilles Vieux Marché, dans les Côtes d'Armor. Ses terres sont en conversion vers l'agriculture biologique. Pour la première fois il s'apprête à semer du blé noir, sur 14 hectares. Pour la satisfaction de faire vivre une filière régionale de qualité, mais aussi pour les avantages agronomiques du blé noir :
"C'est sûr que j'aurais mis que des céréales, du blé ou de l'orge, j'aurais peut-être gagné plus sur le moment, et encore, c'est pas dit, parce qu'on n'a pas d'eau. Le blé noir est moins exigeant de ce côté-là... C'est une culture assez intéressante au niveau technique : ça étouffe les mauvaises herbes, et on a moins de soucis l'année d'après pour cultiver autre chose. On n'amène ni fertilisation, ni chimie sur cette culture. On sème, on récolte, et quand on fait le ratio travail / valeur ajoutée, c'est quand même une culture intéressante dans la rotation de nos parcelles."
Titre :José Jaglin
Crédit :Yann Launay
Pour trouver les agriculteurs prêts à y semer du sarrasin, Blé Noir Tradition Bretagne a quelques semaines, d'ici le début des semailles, pour trouver entre 1300 et 1500 hectares. Au niveau mondial, le blé noir pourrait se faire plus rare et plus cher l'an prochain, Russie et Ukraine comptant parmi les plus gros producteurs de sarrasin.
Pénurie d'huile de tournesol
L'Ukraine est aussi le premier pays exportateur d'huile de tournesol et cela impacte fortement les restaurateurs qui en consomment comme le "Homard-frites" de Vannes, présent entre autres au prochain Hellfest de Clisson.