Le ras-le-bol de Laillé, face aux raves-parties à répétition

Publié : 3 juin 2022 à 8h05 - Modifié : 3 juin 2022 à 12h32 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

Les autorités craignent des rave-parties lors de ce week-end de Pentecôte. Les préfectures d’Ille et vilaine, des Côtes-d’Armor, de Morbihan, de Loire-Atlantique ou du Finistère ont pris des arrêtés pour interdire les rassemblements festifs à caractère musical et le transport de sound system. A Laillé, la commune au sud de Rennes enregistre des raves-parties à répétition, et la colère des riverains monte. Une réunion publique était organisée hier soir.

Les rave-parties interdites en Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Morbihan, dans les Côtes d'Armor et dans le Finistère de ce vendredi jusqu'à mardi : c'est ce qu'ont annoncé les préfets, en précisant que la circulation de tout véhicule transportant du matériel de son était également interdite. Des forces de police et de gendarmerie seront mobilisées pour faire respecter ces mesures.


A Laillé, au sud de Rennes, où les habitants viennent de connaître trois rave parties en un mois, une réunion publique était organisée hier soir (jeudi 2 juin) par la mairie. Cette annonce des préfets ne rassure pas complètement les habitants, et ne fait pas oublier l'inaction des services de l'Etat lors des week-end précédents, comme le déplore Anne Le Couriaud, première adjointe au maire de Laillé : "Je trouve inadmissible que dans une situation illégale - on est quand même sur des propriétés privées, avec des nuisances importantes pour les riverains - les forces publiques considèrent qu'elles n'interviennent pas, pour éviter les affrontements. Ce n'est pas une décision digne d'un Etat de droit. Les préfets ont pris une décision pour le week-end de la Pentecôte, très bien, mais on est à mi-route, là, il faut aller jusqu'au bout de la réflexion."

Titre :Anne Le Couriaud, première adjointe au maire

Crédit :Yann Launay

"C'est notre salaire qui part en fumée..."


Lors des rave parties organisées à Laillé, outre les nuisances sonores, des terrains agricoles ont aussi été dégradés. Karine, l'une des agricultrices concernées, a décidé de porter plainte. Elle regrette le manque de conscience des teufeurs : "ils ne se rendent vraiment pas compte : on a essayé de leur expliquer que c'était de la nourriture pour les animaux qu'ils avaient sous leurs pieds, qu'ils piétinaient, et donc un manque à gagner pour nous. C'est notre salaire qui part en fumée. Ils ont proposé de nous indemniser, on a refusé : on ne peut pas cautionner que des personnes viennent sur nos terres piétiner la nourriture pour nos animaux."

Titre :Karine, agricultrice

Crédit :Yann Launay

Un terrain d'entente à trouver


Un collectif de riverains vient d'être créé à Laillé, qui souhaiterait avoir l'assurance de ne plus revivre ces insomnies à répétition, comme l'explique Marie, membre du collectif : "Aujourd'hui on n'a pas de réponse, ni solution. Il n'y a aucune garantie : s'il y a un arrêté en Ille-et-Vilaine, il n'est que pour ce week-end. Que fait-on des prochains week-ends ? En sachant qu'on entend déjà dire qu'il y aurait une rave le week-end du 18 juin dans le secteur. On est dans le non-droit, la mairie elle-même se sent abandonnée...


A notre niveau, on a déjà porté plainte contre le préfet, contre l'Etat, que peut-on faire de plus ?On n'est pas contre les teufeurs, je pense qu'il faut trouver un terrain d'entente. Il y a forcément des no man's land que l'Etat pourrait accorder pour légaliser et sécuriser ce genre d'événements, et que la population soit le moins embêtée possible."

Titre : Marie, membre du collectif

Crédit :Yann Launay

Des raves plus organisées, mais pas trop quand même


A l'image du collectif de riverains, la mairie explique ne pas condamner les teufeurs sans distinction, et ne souhaite pas seulement décaler le problème vers d'autres communes. Pour Anne Le Couriaud, une solution sur le long terme doit être trouvée pour satisfaire à la fois riverains et teufeurs : "il faut qu'il y ait une réponse des pouvoirs publics pour savoir comment on fait pour que ces jeunes puissent faire la fête : si les jeunes savaient que une ou deux fois par an, ils peuvent aller faire un rassemblement à la Prévalaye, ou pourquoi pas utiliser les champs du Hellfest à Nantes, ou les champs de tous les festivals organisés en Bretagne ? Si on pouvait organiser un peu les choses, cela permettrait aux jeunes de faire la fête sans apporter trop de nuisances."


Les teuffeurs prêts à discuter


Hier soir, quelques représentants de sound systems étaient présents à la réunion publique de Laillé : ils reconnaissent que les organisateurs des rave de ces dernières semaines ont dérapé, et ils proposent d'intervenir pour sensibiliser les teufeurs, comme l'explique "Loutre", membre d 'un sound système brétillien : "ce que l'on peut proposer, c'est de discuter avec tout le monde sur Facebook, de lancer une mouvance pour dire d'épargner la région. Pour dire aux gens d'arrêter de stopper à Laillé, de faire attention aux sites où ils posent, si ce sont des terrains agricoles, le nombre de maisons autour. On a un principe qui s'appelle l'auto-gestion : on n'a pas besoin de l'Etat, de la police ou des amendes pour savoir quand on fait quelque chose de mal ou pas. Tous les sound systems ont leur réputation en jeu, donc je pense que si on communique avec tout le monde, les gens vont faire plus gaffe à l'avenir à ne pas trasher les mêmes sites 3 fois d'affilée."

Titre :Loutre

Crédit :Yann Launay

La free party a une vraie raison d'être 


Venir poser des sons moins souvent dans un même secteur, les sound-systems y semblent prêts, mais de là à organiser une rave comme on organise un festival, c'est une autre histoire. Pour "Loutre", la free party a une vraie raison d'être :


"La rave party est juste la suite logique des fest-noz et du mouvement punk, en fait. C'est juste des jeunes qui n'ont pas beaucoup de tune, et qui se rassemblent. Chacun donne du sien : les cuisiniers cuisinent, les djs mixent... C'est juste des jeunes qui entreprennent les choses, qui sont acteurs du mouvement, plutôt que juste consommer une soirée en boîte de nuit ou en festival... Ça on ne pourra pas l'enlever. Et on parlait des risques sanitaires : regardez le nombre d'évacuations sur les trois dernières teufs, par rapport à n'importe quel festival cadré...ou l'état des sites."