Intégration à Rennes : reportage au Centre d’hébergement d’urgence Saint Benoit Labre
Publié : 18 octobre 2022 à 8h02 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Valoriser les initiatives qui aident à une bonne intégration des étrangers : c’est l’objectif de la Semaine de l’intégration des étrangers primo-arrivants en France. A Rennes, le préfet s'est rendu hier (lundi 17 octobre) au Centre d’hébergement d’urgence Saint Benoit Labre.
C'est la deuxième semaine de l’intégration des étrangers primo-arrivants en France. Dans l’Ouest, une expérimentation menée par l’association Saint Benoit Labre est par exemple mise en valeur à Rennes en Ille-et-Vilaine. Baptisée "Transition", c’est un accompagnement des réfugiés qui se prolonge au-delà de l’obtention d’un logement. Pour Mathieu Le Bihan, de l’association Saint-Benoit Labre, le logement ne règle pas tout du jour au lendemain, pour des réfugiés qui maîtrisent mal le Français et se retrouvent face à des démarches administratives complexes.
L’accompagnement dans la durée peut s’avérer précieux, pour les réfugiés comme pour la société selon Mathieu Le Bihan, interrogé par Yann Launay : "on est partis de ce constat : les risques, c'est l'isolement, c'est de voir des personnes se replier sur elles-mêmes ou auprès de quelques amis de la même communauté, sans ouverture au possible. C'est la perte de logement parce qu'on n'arrive pas à suivre au niveau du budget. Après un parcours d'exil et des démarches d'asile compliquées, se retrouver à la rue ce n'est pas possible ! L'objectif est donc de sécuriser et de limiter les risques."
Titre :Mathieu Le Bihan, de Saint-Benoit Labre
Crédit :Yann Launay
Le témoignage de Frishta, venue d'Afghanistan
Avec ce dispositif baptisé "Transition", l'association Saint Benoit Labre apporte une aide aux réfugiés face aux démarches administratives, une aide dans l'apprentissage de la langue française, ou pour trouver des formations. Le tout en lien avec les services de l'Etat. Frishta et sa famille, venus d'Afghanistan, ont été parmi les premiers à bénéficier de ce dispositif. Ils sont arrivés en 2017 en France, sans solution de logement, ne parlant pas un mot de français. Aujourd'hui, la jeune fille de 19 ans se dit soulagée et heureuse :
"Après avoir le titre de séjour, on a demandé un vrai logement. On avait besoin d'aide pour avoir le logement et pour trouver information et l'assistance sociale nous a aidés pour tout ça. Maintenant, on habite ensemble avec ma famille. C'est bien, on est en sécurité. L'année dernière, j'étais au lycée. J'ai passé mon diplôme d'accompagnant éducatif pour petits enfants. J'ai travaillé à la crèche en remplacement et c'était très bien, et je recherche encore."
Titre : Frishta
Crédit :Yann Launay
Pourquoi des migrants se retrouvent-t-ils à la rue ?
L'an passé, le dispositif "Transition" a bénéficié à 25 personnes. L'an prochain, 75 réfugiés en bénéficieront. Associations et services de l’Etat travaillent conjointement, sur ce dispositif particulier comme sur beaucoup d’autres. Alors pourquoi des migrants se retrouvent-t-ils à la rue, s’installant par exemple dans des parcs publics ? La réponse de Dominique Djuricic, directrice de l’association Saint Benoit Labre, qui héberge des demandeurs d'asile :
"Deux solutions : ils ont leur demande d'asile ou ils ne l'ont pas. Si ils ont leur demande d'asile, ils peuvent intégrer un CPH - Centre Provisoire d'Hébergement où là, ils vont être encore plus accompagnés pour trouver un logement, un travail, rétablir leur santé, souvent psychique et somatique. Tout le monde n'obtient pas le droit de rester sur le territoire. Il y en a beaucoup qui vont se retrouver sans droit. Soit ils retournent chez eux, ce qui est assez rare, soit ils se retrouvent à l'urgence ou à la rue. Il y a des personnes qui pourraient très bien travailler. Il y a des enfants qui sont à l'école depuis des années et qui vont se retrouver quand même avec une OQTF, une Obligation de quitter le territoire. Ces personnes là, on pourrait très bien leur donner leur titre de séjour, je pense que c'est l'une des solutions."
Titre :Dominique Djuricic
Crédit :Yann Launay
Des efforts doivent être faits pour l'hébergement d'urgence
Alors qu'un campement de migrants s'est reconstitué, à Rennes, dans le parc des Hautes Ourmes, la municipalité a été mise en cause, ce lundi encore, par un collectif de soutien aux sans-papiers. Les élus rennais expliquent que la ville héberge déjà 950 personnes, alors que c'est de la compétence de l'Etat. Pour Emmanuel Berthier, préfet d'Ille-et-Vilaine et de Bretagne : "l'Etat ne peut pas faire tout tout seul. C'est au travers du financement d'associations sur des programmes conçus ensemble, de façon partenariale, que nous réussissons à apporter des réponses supplémentaires ajustées aux véritables besoins à la fois de nos concitoyens en matière d'hébergement d'urgence et aux demandeurs d'asile ou étrangers lorsqu'ils sont en situation de demandeur."
La pression migratoire s'est nettement accentuée en 2022
Emmanuel Berthier reconnaît que des efforts doivent être faits pour améliorer l'hébergement d'urgence, mais il souligne que le contexte migratoire ne facilite pas les choses. "cette pression s'exerce sur tous les pays européens... et de façon plus forte aujourd'hui par rapport à ce qui se passait il y a encore deux ans. Nous avons traversé une période marquée par le Covid, qui a été une parenthèse un peu particulière (...) On ne peut pas se satisfaire de situations qui restent dramatiques mais globalement, ça marche plus qu'ailleurs."
Titre :Emmanuel Berthier
Crédit :Yann Launay
Au parc des Hautes Ourmes de Rennes, environ 70 migrants vivent aujourd'hui sous des tentes. Des occupations d'écoles ont eu lieu ces derniers jours, pour mettre à l'abri des enfants et leur famille qui dormaient à la rue.