Harmonisation UE : "un vrai danger économique" pour la filière cidre de l'ouest
Publié : 15 mai 2023 à 18h53 - Modifié : 15 mai 2023 à 18h54 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Le cidre est au cœur d'une bataille européenne. Les producteurs français, et donc de l'ouest, veulent défendre leur savoir-faire face à une harmonisation européenne, qui souhaite revoir les normes de commercialisation, mais cela affecterait la qualité du cidre et mettrait en péril la filière.
Inquiétude, chez les producteurs de cidre de l'Ouest : la Commission européenne souhaite harmoniser la définition du cidre pour les 27 pays membres de l'Union, mais (hélas) ce n'est pas la conception française du cidre, qui tient la corde. Il faut savoir que dans de nombreux pays européens, le "cider" n'est pas la boisson 100% jus de pomme que nous connaissons, comme l'explique à Yann Launay, Denis Rouland, producteur de cidre en Mayenne (Andouillé) et président des Cidres de Loire : "comme la France, il y a l'Espagne et l'Allemagne, mais sinon les autres pays européens font ce qu'ils appellent du "cider" à base de concentré de jus de pomme, avec des proportions différentes. Le reste, c'est de l'eau, du sirop de glucose, des arômes...
On aura donc dans un rayon des produits avec la même dénomination mais des compositions complètement différentes, et une concurrence déloyale en terme de niveau tarif parce qu'on ne peut pas rivaliser avec des produits qu'ont 10 % de pommes. La matière première ne coûte rien, ce n'est que de l'eau et du sucre. Et nous derrière on a des produits qui sont faits avec des pommes, avec un savoir faire et toute une économie autour."
Titre : Denis Rouland, producteur de cidre en Mayenne
Crédit :Yann Launay
Les cidriculteurs en mode défense
Les cidriculteurs français craignent la concurrence déloyale de pseudo-cidres, faits d'un mélange de jus de pomme concentré, de colorants, de sucre et d'eau. Les négociations sont actuellement en cours, avec la Commission européenne, qui propose un "compromis", avec obligation de 50% de jus de pomme minimum. Un compromis au rabais pour Denis Rouland : "pour nous, ce n'est pas acceptable parce qu'il y a 50 % d'autre chose et ce serait plus du cidre donc l'idée serait d'avoir soit des mentions complémentaires type "100 % fruits", ou ce serait d'avoir une réglementation "cider" en fin de compte, et là, on serait vraiment sur des produits industriels à base de concentré. Et à côté de ça la mention cidre pour le cidre français ou espagnol."
Crédit : Yann Launay
Titre : Denis Rouland, producteur de cidre en Mayenne
Crédit :Yann Launay
La culture du cidre en France, c'est comme la culture du vin
Cette harmonisation est un vrai danger économique pour la filière, aux yeux de Denis Rouland. Pour le président des Cidres de Loire, il ne faut pas croire que chacun restera sur son marché : les brasseurs sont en embuscade, capables d'investir le marché français avec de gros volumes de "cider" à base de jus de pomme concentré, de sucre et d'eau :
"La production d'un cider c'est de produire du cidre toute l'année.... Tous les mois, ils peuvent fabriquer du cidre, que pour le cidre à la française, il y a une récolte de fruits, une fermentation naturelle et derrière une mise en bouteille. C'est un cycle d'un an et puis cela fait partie de notre histoire française, de notre culture régionale et la culture du cidre en France, c'est comme la culture du vin, avec un savoir-faire, avec des choix de variétés, des recettes bien particulières pour chaque producteur. A côté de ça, on aura des produits qui sont faits avec des arômes qui n'auront rien à voir avec le cidre."
Les négociations vont se poursuivre, à Bruxelles, dans les mois qui viennent.
Titre : Denis Rouland, producteur de cidre en Mayenne
Crédit :Yann Launay