Finistère. Les élus agressés témoignent au Carrefour des communes
Publié : 10 octobre 2022 à 7h30 par Dolorès CHARLES
Crédit : Pixabay
Prévue initialement en octobre 2020 au Quartz-Congrès, avec pour fil rouge "L’heureux élu", cette 9e édition du Carrefour des communes s'est tenu deux ans plus tard à Brest Arena, avec pour axe central "Le maire au cœur des transitions". Au menu des sujets notamment, l’impact de la crise ukrainienne, le coût de l'énergie mais aussi le nombre d'agressions des élus en hausse. Reportage de Yann Launay.
Les agressions sur des maires, des adjoints ou des élus en général se multiplient, dans l'Ouest comme partout en France. Un phénomène qui inquiète et qui était abordé au Carrefour des communes du Finistère organisé en fin de semaine dernière à Brest (29). Dans le contexte d'inflation, les maires redoutent de voir encore augmenter le nombre de cas. Beaucoup estiment ne pas être suffisamment protégés par la justice. C'est l'opinion de François Girotto, maire de Plouégat-Moysan. L'an dernier, l'élu finistérien a été mordu à la main, alors qu'il venait de demander à des jeunes de descendre du toit de la salle polyvalente. Et ce n'était pas sa première agression.
François Girotto : "lorsque vous voyez que les trois quarts des affaires sont classées sans suite. Moi en l'occurrence, il y a une dizaine d'années j'ai été gazé avec une bombe lacrymogène, et j'ai porté plainte. Je n'ai jamais eu de suite. Pour l'agression dont j'étais victime au mois de novembre dernier au cours de laquelle j'ai été mordu, par un jeune qui était en détention de commande de cannabis, cela s'est soldé pour lui à deux demi journées de travaux d'intérêt général. Les élus, soi disant, bénéficient d'une protection particulière. On me permet d'en douter, vu la réponse pénale."
"L'éducation civique débute à l'école"
Pour François Girotto, pour combattre efficacement ce phénomène, c'est sur l'école qu'il faut porter les efforts : "Il faudrait déjà commencer par l'éducation civique à l'école, parce que, en fait, on s'aperçoit que les gamins sont très réceptifs. Dès qu'on les éduque à l'école primaire, on les fait participer et ça se passe bien. C'est pareil aux instituteurs aujourd'hui on leur demande de faire tellement de choses qu'à un moment donné, il faut qu'ils définissent des priorités. Mais pour moi, la découverte de la citoyenneté commence l'école, c'est l'apprentissage de la vie. Souvent, les enfants apprennent beaucoup de choses aux parents."
Titre :François Girotto
Crédit :Yann Launay
Le boulier tarifaire s'accompagne de dodations en baisse
Ce Carrefour des communes a été l'occasion d'aller voir les maires et de discuter énergie. Payer la facture va devenir de plus en plus compliqué pour nombre de petites communes qui voient le coût de l'énergie multiplié par 3 l'an prochain, et les aides mises en place par le gouvernement ne suffiront peut-être pas toujours.
Gourlizon va bénéficier du bouclier tarifaire
La petite commune finistérienne de Gourlizon, qui compte moins de 1000 habitants et moins de 10 agents salariés, va bénéficier du bouclier tarifaire : l'augmentation de sa facture d'énergie sera plafonnée à 15%. Un soulagement pour la maire Emmanuelle Rasseneur, mais un soulagement partiel : les ressources de la commune sont si limitées, qu'une augmentation de 15% sera difficile à gérer.
Pour Emmanuelle Rasseneur, le gouvernement semble oublier que les dotations versées aux communes n'ont cessé de diminuer ces dernières années, alors que les dépenses contraintes augmentent : "Alors que l'énergie augmente, alors que les salaires ont augmenté, qu'on nous a mis aussi des dépenses supplémentaires, on est tout le temps ric rac sur le fonctionnement. On est toujours en train de chasser tous les coûts. Mais à un moment donné, il y a des incompressibles parce qu'on a une école dans laquelle il y a quand même 90 gamins. On a aussi une cantine, il faut bien un cuisinier. Il faut bien quelqu'un qui serve et quelqu'un qui fasse le ménage. La seule chose qui nous reste c'est de fermer la cantine. Est ce qu'il faut fermer des services publics pour réussir à boucler son budget ? Si effectivement ça devient ça, moi je démissionne et je rends les clés de la mairie à l'État qui gère. A un moment donné, quand une commune est en déficit de paiement, il n'y a pas d'autre option, c'est la tutelle de l'Etat."
Titre :Emmanuelle Rasseneur
Crédit :Yann Launay
Pas de bouclier, et pas d'augmentation des impôts ?
Mais pas la commune de Plourin, qu, dépasse de peu le seuil fixé par l'Etat pour bénéficier du bouclier tarifaire. Résultat : la commune devrait faire face à 300% d'augmentation de sa facture d'énergie en janvier. Le maire, Antoine Corolleur, attend un soutien de l'Etat, et ne souhaite pas augmenter les impôts locaux : "je n'ai pas trop envie d'augmenter la fiscalité aujourd'hui puisque on est déjà à une situation tendue au niveau des ménages qui payent les impôts. Il faut que l'Etat nous aide à passer ce cap difficile, mais aussi qu'il s'interroge lui même sur la façon, par exemple, de l'indexation du prix de l'électricité sur le prix du gaz. C'est une aberration ! Aujourd'hui, on paye entre guillemets notre dépendance au gaz qui est consommé à 60 % par les allemands alors que nous on n'est qu'à 17 %. Et on paye en fait cette dépendance et cette interaction qui nous a été imposée par l'Europe. Cette liaison entre le coût de l'électron par rapport au coût de la molécule de gaz."
Titre :Antoine Corolleur
Crédit :Yann Launay
Augmentation contenue à Landunvez
A Landunvez, 1500 habitants, l'augmentation sera contenue : le maire, Michel Colin, explique que les salles communales sont récentes et peu énergivores, et la seule école de la commune est une école privée, qui prend en charge ses frais d'électricité et chauffage. Pour Michel Colin, Landunvez devrait donc pouvoir faire face... Mais l'inquiétude existe tout de même, puisque l'augmentation des prix de l'énergie impacte aussi les travaux prévus sur la commune :"Nous avons des routes à refaire et l'énergie va impacter le prix du bitume et donc on est en attente de voir quelles seront réellement les augmentations des coûts de bitume pour voir si on fait les investissements prévus l'année prochaine, ou si on doit les décaler. Mais on fait tourner l'économie locale. Et derrière, je me dis que si les communes arrêtent d'investir au moins pendant un an, ça va impacter les Français, notamment les entreprises de travaux publics. Et si les communes doivent décaler leurs investissements, des entreprises peuvent être mises en difficulté. Forcément nous, en tant qu'élus, on est attentifs et vigilants."
Titre :Michel Colin
Crédit :Yann Launay