Epiphanie : les boulangers entre crise énergétique et galette des rois
Publié : 5 janvier 2023 à 8h20 - Modifié : 5 janvier 2023 à 9h04 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Les boulangers, qui font face à la forte augmentation des prix de l’énergie, pourront demander le report de leurs impôts et cotisations sociales et résilier leur contrat sans frais en cas de hausse "insupportable" imposée par leur fournisseur d’énergie. A Vannes (56), Yann Launay est allé rencontrer Thomas Arhuero, qui a remporté le concours de la meilleure galette frangipane de Bretagne.
A la veille de l'Epiphanie, le 6 janvier, les galettes des rois ont fait leur apparition, dans les boulangeries. Des galettes qui étaient particulièrement attendues au "Fournil des 3 rois", à Vannes : son boulanger pâtissier Thomas Arhuero a remporté le concours de la meilleure galette frangipane de Bretagne en décembre. Comment s'est-il démarqué, et quel est le secret d'une bonne galette des rois ?
Des ingrédients de qualité, et un feuilletage inversé
Pour Thomas Arhuero, cela commence par des matières premières de qualité, et si possible locales : "la farine est locale comme les oeufs. Je travaille avec un producteur du Morbihan en direct. Forcément, la poudre d'amande ne pousse pas dans le département, mais on prend une bonne poudre d'amande. On ne met que des bonnes choses, pas d'additifs et pas d'épaississants. On met la quantité nécessaire de beurre et de poudre d'amande. Il y a aussi le feuilletage. Quel type de feuilletage faire ? Parce qu'il existe plusieurs méthodes pour le fabriquer. Moi, j'ai un feuilletage bien particulier qui a un feuilletage dit inversé, c'est à dire que ce n'est pas la pâte qui va envelopper le beurre, et on va faire les pliages ensuite, c'est l'inverse ! C'est le beurre qui enveloppe la pâte pour schématiser, et on va avoir un feuilletage très léger, friable et très fondant en bouche."
Titre :Thomas Arhuero
Crédit :Yann Launay
30 centimes d'augmentation
Des galettes des rois un peu plus chères, cette année, chez Thomas Arhuero : comptez 3,30 euros la part de frangipane au "Fournil des 3 rois", contre 3 euros l'an passé. Et la victoire au concours n'y est pour rien. Comme chez la plupart des ses confrères, impossible pour l'artisan de ne pas répercuter une partie de la hausse des coûts de production : "les matières premières ont explosé depuis un an ! Le beurre a doublé cette année, le sucre a plus que doublé et la farine a pris plusieurs augmentations dans l'année...
Mon four est électrique, mais c'est le même problème pour mes collègues qui ont du gaz ou du fioul. C'est foix deux ou trois sur notre facture d'énergie, donc forcément on répercute un peu sur la galette, mais on essaye de limiter parce que nous, ce qu'on veut c'est que les gens puissent venir chez nous profiter de la galette. On essaye d'optimiser nos productions, et de ne pas faire de gaspillage. Chez moi, on cuit un peu toute la journée et souvent, on avait tendance à laisser le four allumé. Là, on va prendre un peu d'avance. On va arrêter le four, et on va le rallumer. Enfin, on va essayer d'optimiser nos cuissons et la manière dont on utilise les différentes machines."
Crédit : Yann Launay
Crédit : Yann Launay
Titre :Thomas Arhuero
Crédit :Yann Launay
Les mesures sur l'énergie, c'est hyper complexe !
Le prix de la meilleure galette de Bretagne devrait booster les ventes au Fournil des 3 rois, mais pour Thomas Arhuero comme pour ses confrères, le contexte reste compliqué, et à ses yeux ce ne sont pas les mesures du gouvernement qui vont réellement changer la donne, comme cet étalement du paiement des charges fiscales et sociales qui vient d'être annoncé :
"Ce qui ne sera pas payé aujourd'hui sera payé plus tard, cela ne va pas arranger grand monde... Les mesures prises sur les énergies ce sont des usines à gaz, c'est hyper complexe. Tout le monde ne rentre pas non plus dans les cases en fonction de sa consommation d'énergie, de la taille de l'entreprise. C'est assez complexe à mettre en œuvre. Repousser les charges c'est une fausse bonne idée ! Moi, ce que j'ai envie de dire aux auditeurs, c'est que si vous voulez que vos boulangers continuent à être là, dans vos communes ou vos quartiers, c'est d'aller chez eux au quotidien ! C'est la période des galette des Rois. On sait très bien que ce sont les grandes surfaces, qui vont en vendre plus que les artisans. Faire l'effort d'aller chez un artisan, c'est aussi aider ces artisans boulangers partout en France."
Titre :Thomas Arhuero
Crédit :Yann Launay
"Ce n'est pas le même produit en grande surface"
Thomas Arhuero a augmenté ses prix d'environ 10% cette année, sur les galettes, et la décision avait été prise avant le concours, devant l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie. Les galettes des rois sont cette année plus chères dans une majorité de boulangeries artisanales, et Thomas espère que cette hausse des prix ne va pas détourner les clients et profiter aux grandes surfaces.
Pour lui, ce serait injuste : bien sûr le prix des galettes artisanales ne peut rivaliser avec le prix des galettes de grandes surfaces, mais pour Thomas, le client ne doit pas oublier que la qualité n'a rien à voir, ce n'est pas le même produit :
"Si vous regardez la liste des ingrédients dans une galette industrielle, vous allez en avoir une quinzaine. Il y aura des petits œufs avec des chiffres derrière. Nous, on utilise que des matières nobles. Ce n'est pas un gâteau très compliqué à faire, mais il demande du temps parce qu'entre le moment où on va pétrir le feuilletage, on va incorporer le beurre et faire les différents pliages qui vont donner le feuilleté à la galette, il faut du temps de repos. Ceal demande plusieurs jours de travail avant le résultat final... C'est un savoir faire, on forme des jeunes, c'est de l'emploi et c'est aussi bon pour la santé."
Titre :Thomas Arhuero
Crédit :Yann Launay
Ces dernières années, les Français ont consommé en janvier entre 30 et 32 millions de galettes des rois, qui peuvent représenter plus de 10% du chiffre d'affaires annuel des boulangeries.