En pleines négociations commerciales, les agriculteurs font parler d'eux

Publié : 20 janvier 2022 à 13h23 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

En pleines négociations commerciales, les agriculteurs mettent la pression et manifestent un peu partout dans l'Ouest cette semaine, face à la hausse des prix des matières premières et matériaux, et à une baisse aussi du prix du porc pour les éleveurs concernés.

Des agriculteurs ont prévu de passer à l'action, ce jeudi et ce vendredi, dans l'Ouest. Des actions a priori pacifiques, qui cibleront notamment les grandes surfaces. Alors que les négociations commerciales ont démarré, entre producteurs, industriels et distributeurs, les agriculteurs ne veulent pas être les grands perdants. Pas question de se contenter des miettes, alors que le contexte devient chaque jour plus compliqué, avec une augmentation brutale des coûts de production, comme l'explique Thibault Le Masle, éleveur de porcs et de volaille à Inguiniel, et président des Jeunes Agriculteurs du Morbihan :"On est un peu comme beaucoup de Français : l'énergie a augmenté, fioul, électricité, les services autour de nous ont explosé, tout ce qui est construction de bâtiment a explosé, et bien sûr l'aliment. Nous, on nourrit nos animaux avec de l'aliment, ça a pris 40%, donc automatiquement ça nous coûte beaucoup plus cher de faire un litre de lait, un kilo de volaille ou un kilo de cochon... Par rapport à toutes ces augmentations qui ont été très rapides, nous nos produits n'ont pas augmenté, donc il faut d'urgence que ça augmente."

Titre :Thibault Le Masle

Crédit :Yann Launay

"baguette à 29 centimes" : un écran de fumée


Ils redoutent le double jeu des grandes surfaces, et les propos récents de Michel Edouard Leclerc n'ont rien arrangé. Le patron du comité stratégique des centres Leclerc s'érige en défenseur du pouvoir d'achat des Français, en déclarant "avoir un devoir envers les gens qui comptent à l'euro près". Mais pour Thibault Le Masle, c'est un écran de fumée :


"J'ai été estomaqué, comme beaucoup d'agriculteurs. Michel-Edouard Leclerc est très très bon en com'... La baguette à 29 centimes, comment il fait ? Pour moi, il prend zéro marge dessus, et il va se gaver sur autre chose, il va prendre ses marges sur d'autres produit, notamment des produits agricoles bruts, de la viande bovine, je ne sais pas. C 'est l'arbre qui cache la forêt : on va mettre un produit en avant sur lequel on rémunère correctement les agriculteurs, et puis on va les saigner sur tout le reste."

Titre :Thibault Le Masle

Crédit :Yann Launay

Un espoir : Egalim 2


Ils peuvent pourtant compter sur la loi "Egalim 2", adoptée il y a quelques mois  pour préserver la rémunération des agriculteurs. Pas de quoi rassurer complètement un producteur comme Thibault Le Masle : "j'ai été très déçu par Egalim 1. Je pensais que cela aurait fonctionné, finalement ça n'a pas fonctionné... Je suis quelqu'un d'assez optimiste, j'espère vraiment qu'Egalim 2 va nous sortir de cette impasse et de ce bras de fer permanent. Ce n'est pas normal qu'il y ait des produits, sur lesquels ils prennent 0% de marge et d'autres sur lesquels ils vont prendre 70%. Ce n'est pas à l'agriculture de payer le peu de marge pris sur une bouteille de Coca-Cola ou de pastis, par exemple..."

Titre :Thibault Le Masle

Crédit :Yann Launay

Les agriculteurs appellent les services de l'Etat à la vigilance, pour éviter des contournements de la loi Egalim par la grande distribution, et éviter aussi des pratiques comme les "pénalités logistiques". Selon Thibault Le Masle, "un magasin demandait 10 palettes de yaourts, et on en livrait que 8. "Tiens, tu n'as pas respecté ton contrat, du coup je te mets une pénalité logistique (...) Il faut vraiment que l'Etat surveille les négociations commerciales, mette les moyens humains, afin qu'un beau contrat ne soit pas "contournable."


Les éleveurs de porc particulièrement mobilisés


Ils subissent à la fois la hausse du coût de production et un prix de vente très bas, et attendent des aides spécifiques pour tenir le choc dans ce contexte compliqué : "on avait la Chine qui achetait beaucoup de porc européen, et maintenant n'en n'achète plus... Cela fait un marché européen très perturbé, avec l'Espagne qui a fortement augmenté sa production : on retrouve du cochon espagnol un peu partout, qui vient également concurrencer le porc français au sein de l'Hexagone... Si on fait le tour des grandes surfaces, il y a souvent des marques, souvent de grandes marques nationales, qui préfèrent acheter du porc espagnol moins cher, qui bien sûr n'a pas les mêmes normes sociales et environnementales que le notre, au détriment du porc français... Donc ça fait des marchés qui sont bouchés en France, et des prix qui ne peuvent pas décoller."

Titre :Thibault Le Masle

Crédit :Yann Launay

Les agriculteurs ont prévu d'aller à la rencontre de dirigeants de grandes surfaces, mais aussi à la rencontre des consommateurs, avec des distributions de tracts, aux abords de grandes surfaces. Les négociations commerciales annuelles ne font que commencer, elles devraient s'achever début mars.