Démission du maire de Saint-Brévin : les habitants compréhensifs, les élus en colère

Publié : 11 mai 2023 à 18h10 - Modifié : 12 mai 2023 à 7h15 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

Il aura fallu le dépôt de sa démission cette semaine en Préfecture (une info de Ouest-France), pour que le maire de Saint-Brevin-les-Pins (44), Yannick Morez, soit enfin entendu dans le dossier du transfert du centre de demandeurs d'asile. Retour sur une journée particulière, entre habitants sous le choc mais compréhensifs et colère des élus locaux.

Le maire de Saint-Brévin, en Loire-Atlantique, démissionne : Yannick Morez explique cette décision par des raisons personnelles et par le manque de soutien de l'Etat. Il y a un mois et demi (22 mars), un incendie criminel a visé sa maison et l'élu subissait des menaces depuis l'annonce du déménagement du CADA, le Centre d'accueil pour demandeurs d'asile, installé à Saint-Brévin-les-Pins depuis 2016 : le centre doit être transféré près d’une école élémentaire.


Plusieurs manifestations contre ce projet ont été organisées ces derniers mois, à l’appel de l’extrême droite, en particulier du parti d'Eric Zemmour, Reconquête, comme ce fut le cas aussi à Callac dans les Côtes-d'Armor où le projet de création d'un centre d'accueil est tombé à l'eau...



"Chacun a ses raisons mais on ne s'en prend pas aux personnes..."



Le maire Yannick Morez souhaite aujourd'hui quitter la commune où il vivait depuis 32 ans, et cesser son activité de médecins dès le mois de juin. Face à cette annonce, les habitants de Saint-Brévin, interrogés ce matin par Yann Launay, sont compréhensifs : "Je le comprends, mais je trouve que c'est grave. Cela fait peur ce qui lui est arrivé franchement... Qu'on soit pour ou contre le Cada, on ne doit pas s'en prendre aux personnes comme Monsieur le maire, c'est inadmissible. Chacun a son opinion, chacun a ses raisons d'être pour ou contre, mais on ne s'en prend pas aux personnes. Il a quand même vécu des choses (difficiles) mais bon, je pense qu'il va s'en aller sur son bateau, il va se faire plaisir et il a bien raison !


Dans un pays comme le nôtre, c'est surréaliste d'en arriver là. D'ailleurs vous voyez, je suis avec un ami tunisien, je trouve lamentable ce type de réaction qui a fait que le maire a démissionné. Il a vécu des choses extrêmement difficiles. Sa vie est compliquée mais pour nous, c'est triste parce que c'est une belle personne... c'est dommage qu'il s'en aille. Qui va le remplacer ? On a besoin de quelqu'un de carré à Saint-Brevin. Il était bien et aujourd'hui on a peur pour la succession."

Titre :Premières réactions d'habitants de St-Brévin (44)

Crédit :Yann Launay

Quid du transfert du centre de demandeurs d'asile ?


Après l’annonce de la démission du maire DVD de Saint-Brévin-les-Pins, acceptée par le Préfet de Loire-Atlantique, de nombreux habitants, sous le choc, disent comprendre cette décision de Yannick Morez, prise après l’incendie criminel, de multiples menaces et insultes. Aujourd'hui, comment les habitants voient-ils l'avenir de ce transfert du CADA ? 


"Il faut aller au terme de ce dossier, il n'y a pas de problème et surtout ne pas se faire arrêter par des extrémistes. On ne va pas arrêter un dossier parce qu'il y a quelques individus imbéciles qui veulent faire peur.... Je ne suis pas contre l'immigration, mais on ne met pas les gens n'importe où, n'importe comment, c'est tout. Si on veut qu'ils s'intègrent, il faut leur donner l'environnement qui va bien. Moi, je trouve que les mettre près de l'école, ce n'est pas un cadeau qu'on leur fait. Je suis allé rencontrer les réfugiés et je leur ai donné des cours de français. Ils étaient adorables et on n'a jamais eu de problème avec eux. Franchement, je ne comprends pas... la solidarité en France, c'est important !"

Crédit : Yann Launay

Titre :Des habitants de St-Brévin (44)

Crédit :Yann Launay


"La République est en danger", pour David Samzun



Du côté des élus, les réactions sont très nombreuses. Sur Twitter, le président Emmanuel Macron, dans la lignée de la Première ministre Elisabeth Borne, a exprimé "sa solidarité et celle de la nation" à l'élu de Loire-Atlantique. A Saint-Nazaire, le maire David Samzun se dit à la fois triste et révolté.


David Samzun dénonce le manque de soutien de l’Etat : "on voit un maire maltraité, un maire menacé pour de vrai : un incendie à son domicile, deux voitures cramées; Il aurait pu y laisser sa peau ainsi que (celle de) sa famille.  Un maire qui se sent complètement abandonné alors qu'il veut une politique humaniste, y compris d'accueil. Quand j'entends le président de la République, quand j'entends Elisabeth Borne, il fallait réagir avant -  il y a déjà un mois, un mois et demi que ces faits se sont déroulés. Et de voir que ce maire, ce médecin généraliste, soit amené au bout de 32 ans de vie dans sa commune, à partir, eh bien la République est en danger. C'est une réalité absolue ! (Gérald) Darmanin se déplace quand il faut aller surfer et chasser des voix, y compris à l'extrême droite, là on le voit pas, on ne l'entend pas, il ne se déplace pas."

Titre :Le maire David Samzun

Crédit :Yann Launay


"Les élus n'en peuvent plus et je crois que le gouvernement a intérêt à l'entendre"



Pour David Samzun, ce que le maire de Saint-Brévin a vécu est symptomatique de ce que subissent les élus : "L'outrance permanente, les insultes, les petites phrases... Tous les jours, on est amené pratiquement à déposer plainte... L'agressivité monte de plus en plus, mais le personnel politique y participe, y compris à l'Assemblée nationale... La population n'a plus de filtre et n'a plus de respect de nos institutions. Quand on dit la police, la gendarmerie, la justice, le cadre républicain est insulté en permanence et qu'il n'y a aucune réaction, tout le monde dit oui mais il faut comprendre. Ce pays va mal, les élus n'en peuvent plus et je crois que le gouvernement a intérêt à l'entendre."


Le PS appelle à un rassemblement le 24 mai à St-Brevin, en soutien à Yannick Morez.

Titre :David Samzun

Crédit :Yann Launay

De son côté, le Préfet de Loire-Atlantique se défend, pour Fabrice Rigoulet-Roze : "le soutien était "permanent, et il y a bien eu des mesures prises, suite à un certain nombre d’intimidations, notamment de protection spécifique du domicile, et des patrouilles régulières de la gendarmerie nationale, après l’incendie."


Elisabeth Borne promet de mieux protéger les élus : c'est mercredi prochain (17 mai) que le Centre d'analyse et de lutte doit être lancé, pour contrecarrer la violence envers les élus. Yannick Morez devrait se rendre la semaine prochaine à Matignon, pour rencontrer la Première ministre.