Au CHU, on redoute les épidémies de l’hiver
Publié : 3 novembre 2021 à 15h03 par Emilie PLANTARD
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Alors que l’épidémie de Covid-19 est toujours d’actualité, l’hôpital est plus que jamais en crise. Les soignants, épuisés et en sous-effectif, vont pourtant devoir affronter les pics d’activité liés aux maladies hivernales telles que la bronchiolite.
Les personnels soignants tirent à nouveau la sonnette d’alarme, la même qu’ils avaient déjà actionné avant et pendant la crise sanitaire… A Rennes comme à Nantes, les services sont saturés, en particulier les urgences et les services pédiatriques. Alors que l’épidémie de bronchiolite s’annonce précoce et sévère cet hiver, le collectif Inter-hôpitaux dénonce une situation inédite et grave, où il manque de lits pour accueillir des enfants qui ont besoin d’être hospitalisés. Dans ces conditions, la faute de soin est redoutée… Frédéric Delagrée est infirmier aux urgences du CHU de Rennes :
"Je ne peux pas prédire l’avenir, mais je ne serais pas surpris. Qu’il y a des prises en charge qui arrivent trop tard. Dès lors que structurellement on n’est pas adapté, on n’a pas besoin d’avoir une épidémie importante pour être dans le jus. Donc même si là, l’épidémie est habituelle, du fait qu’il y ait moins de moyens, tout de suite elle va prendre une ampleur plus importante. Si tous les ans vous accueilliez 15 enfants et que les premières années vous avez 15 lits, vous les accueilliez tous, si l’année d’après vous en avez 14, vous en accueilliez un de moins, et si tous les ans on vous enlève 1 lit, ça se voit. Un de moins sur 15, ça ne se voit pas trop, quand on arrive à 5 sur 15, ça fait un tiers. On attend toujours d’être en situation de crise pour commencer à apporter un bout de réponse qui, de toute façon, est insuffisant."
Titre :Frédéric Delagrée, infirmier aux urgences du CHU de Rennes
Crédit :Emilie Plantard
Situation de crise en pédiatrie
A Rennes, le service est plein. Les équipes sont donc contraintes de jongler avec d’autres hôpitaux pour transférer les enfants quand c’est possible. Là aussi, le manque de lits est criant et problématique. Il est étroitement lié à des problèmes récurrents d’effectifs.
"Je vais dire que la pédiatrie, il y a la symbolique de l’enfant qui apporte une émotion plus intense, qui touche davantage la population mais dans les faits, c’est exactement la même chose. Avec une petite particularité qui est l’expertise du soignant qui fait que si on n’a pas été formé à la pédiatrie, ça ne s’improvise pas autant et que les formations aujourd’hui n’offrent pas forcément la possibilité de passer par la pédiatrie et donc les jeunes infirmières qui sortent ne sont pas assez expérimentées et comme il y a un départ avec l’hémorragie actuellement, on est en train de perdre beaucoup d’expérience."
Titre :Frédéric Delagrée, infirmier aux urgences du CHU de Rennes
Crédit :Emilie plantard
Déjà une activité maximale
Chaque année, les traditionnelles maladies hivernales créent des pics d’activité dans les CHU, c’est le cas avec la bronchiolite, et éventuellement avec la grippe ou la gastro-entérite et c’est habituel. Mais avec le contexte actuel, les soignants redoutent les prochaines semaines, notamment aux urgences. Frédéric Delagrée, infirmier aux urgences du CHU de Rennes :
"D’habitude l’hiver est compliqué. Or, chez nous, depuis mi-juillet, on a une activité quotidienne qui correspond aux pics d’activité hivernaux. Sachant que les pics d’activité hivernaux ne sont pas quotidiens. C’est-à-dire qu’on peut arriver à des temps d’attente d’1 heure avant de rencontrer le moindre soignant aux urgences et lui raconter pourquoi on vient. Je vais citer la personne qui vient parce qu’elle n’a pas voulu appeler le 15 et qui vient d’elle-même aux urgences avec des fourmillements dans un bras et qui donc est en train de constituer un AVC, nous avons 4,5 heures pour intervenir, il est possible qu’elle en perde 1 heure chez nous."
Titre :Frédéric Delagrée, infirmier aux urgences du CHU de Rennes
Crédit :Emilie Plantard
Les jeunes fuient...
Au CHU de Rennes, le collectif dénonce un manque de personnel partout. Epuisés, nombre de soignants sont actuellement en arrêt de travail, mais sont rarement remplacés. Les jeunes recrues quant à elles, sont vite découragées….
"Je pense que nous, il y a 20 ans, on a accepté des conditions qui étaient un peu dures mais parce qu’on voulait absolument rester mais les directions en ont bien profité. Aujourd’hui, les jeunes n’acceptent plus les conditions qu’on acceptait et ils n’ont pas tort. C’est-à-dire que j’en ai vu à qui on a dit, au pied levé, vous allez travailler dans tel service mais vous ne connaissez pas le logiciel, pas le fonctionnement, vous ne connaissez pas les gens mais vous allez travailler-là. Moi j’ai accueilli des infirmières, elle va faire sa nuit parce qu’elle est là, mais il n’est pas dit qu’on la retrouve le lendemain… Et ça, vous l’avez constaté ? Oui, très régulièrement."