Après la fermeture du site de Trélazé, les ardoisières sur le retour ... à Maël-Carhaix

Publié : 20 octobre 2022 à 9h31 - Modifié : 20 octobre 2022 à 9h35 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

Alors que la France est le premier consommateur d'ardoises au monde, un projet de réouverture d'ardoisières pourrait voir le jour en Bretagne, à Maël-Carhaix. La dernière ardoisière française à Trélazé près d'Angers a fermé en 2014.

Des ardoisières vont-elles rouvrir, dans l'ouest ? Des couvreurs, en tous cas, le souhaitent. Il faut dire qu'ils ont de plus en plus de difficulté à obtenir les quantités et la qualité souhaitées. Les ardoises aujourd'hui viennent principalement d'Espagne, les ardoisières françaises ayant toutes fermé les unes après les autres... Alors que la France est le premier consommateur d'ardoises au monde. Trélazé, près d'Angers, dernière ardoisière française, a fermé en 2014, quelques années après la dernière ardoisière bretonne, fermée en 2000, à Maël-Carhaix, en centre-Bretagne.


La fin du marché espagnol ?


L'Espagne s'est imposée sur le marché en quelques décennies, grâce à des coûts de main d’œuvre et des coûts d'extraction plus bas. Mais les filons espagnols s'épuisent, et la donne économique a changé. Pour Christophe de Quelen, artisan, en charge du dossier à la Capeb Bretagne, interrogé par Yann Launay, la réouverture d'ardoisières en Bretagne, comme celle de Maël-Carhaix, est réaliste et viable :


"Il y a 20 ans, un ouvrier espagnol coûtait en gros dix fois moins cher qu'un ouvrier breton, et aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les transports augmentent et il y a une autre chose très importante, c'est qu'aujourd'hui il y a des solutions techniques, mécaniques et numériques pour pouvoir travailler l'ardoise qui n'existait pas il y a 20 ans. On n'est pas du tout dans les mêmes conditions, les savoirs-faire sont là, et il n'y a pas de raison qu'on n'y arrive pas. Il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas continuer à voir nos belles charpentes couvertes d'ardoises bretonnes."

Titre :Christophe de Quelen, artisan

Crédit :Yann Launay

Un redémarrage rapide


A Maël-Carhaix, le redémarrage pourrait se faire assez rapidement. C'est tout ce que souhaite le propriétaire du site, Yvon Barazer, 88 ans, petit-fils du fondateur de ces ardoisières qui ont fonctionné de 1890 à 2000, et qui recèlent la plus belle qualité de France, grâce à une géologie unique, comme le démontre Yvon Barazer, ardoise en main :


"Ici, on a une ardoise de qualité exceptionnelle qui a été reconnue par tous les architectes des Bâtiments de France et des Monuments historiques. C'est une ardoise qui est très plane, qui n'a pas de pyrite de fer. Sur une toiture, vous n'aurez jamais des traces de rouille ni de blanchiment du toit. Un architecte des Bâtiments de France m'avait dit un jour parce que l'ardoise de Maël-Carhaix était un peu plus chère que les ardoises d'Espagne, l'État ne sera jamais assez riche pour acheter bon marché... c'est à dire que sur le Parlement de Bretagne, on a mis 700 tonnes d'ardoises, et dans 800 ans elle y seront toujours et on reviendra jamais dessus."


Des monuments historiques en référence


Un investissement d'environ 5 millions d'euros serait nécessaire pour faire redémarrer les ardoisières de Maël-Carhaix. Les ardoises produites n'auraient pas de difficulté à se faire une place sur le marché, grâce à leur qualité et à leur carte de visite : les ardoises de Maël-Carhaix habillent déjà de prestigieux bâtiments : "Paris à Saint-Louis des Invalides en 1932. L'Assemblée nationale, la Sorbonne, la mairie du sixième château de Vincennes, la place Vendôme, le Palais de Chaillot, la cathédrale de Versailles... On a dans nos références des monuments historiques qui méritent l'ardoise de Maël-Carhaix. Plutôt que de mettre du plomb comme il en est question sur la cathédrale de Paris, ce serait complètement idiot... c'est ce qu'il y avait avant l'incendie et c'est ce qui a donné une contamination épouvantable..."

Crédit : Yann Launay

Crédit : Yann Launay

Crédit : Yann Launay

Titre :Yvon Barazer

Crédit :Yann Launay

A Maël-Carhaix, la qualité d'ardoise est garantie, comme la quantité


Selon Yvon Barazer, le potentiel est conséquent, et les filons ne vont pas s'épuiser en quelques années : "en 2008, les Espagnols s'intéressaient à la reprise des ardoisières de Maël-Carhaix. On a fait des carottages jusqu'à 200 mètres de fond et on s'est aperçu d'une chose, c'est que les anciens ont travaillé sur une veine, mais que, en final, il y a plusieurs veines ou filons d'ardoise qui s'enfoncent dans le sol (...) Il y a possibilité d'une exploitation de l'ordre de 12 à 15000 tonnes par an..."


Un soutien financier de l'Etat


Pour Christophe de Quelen, l'Etat doit apporter un soutien financier, et l'opération doit maintenant se faire assez vite, sans attendre que de nouveaux pays producteurs ne prennent le relais de l'Espagne : "Automatiquement, l'approvisionnement va devoir se faire sur d'autres continents. Et là, ce qui serait très probable, c'est que ça vienne de Chine ou du Brésil. Quand on parle du point carbone aujourd'hui dans la construction de maisons, c'est un non-sens d'aller chercher de l'ardoise à l'autre bout du monde, alors qu'on a sous nos pieds des quantités extraordinaires et des qualités extraordinaires (...° Redémarrer, ça, ça fait partie des projets de réindustrialisation de la France."

Titre :Yvon Barazer

Crédit :Yann Launay

Un risque pour l'environnement ?


A Maël-Carhaix, une exploitation à ciel ouvert serait envisageable, mais cette réouverture ne fait-elle pas courir de risque à l'environnement ? Christophe de Quelen se veut rassurant, pour lui une extraction locale d'ardoises serait vertueux économiquement et écologiquement : "il y a quand même un gros avantage, c'est qu'on n'a pas d'apport chimique pour pouvoir exploiter l'ardoise. On n'a pas lieu d'avoir des acides ou des produits pétrolifères. On est dans des solutions qui sont saines. Pour vous dire, c'est que l'eau qui sort des carrières est de l'eau qui est de qualité à boire. C'est de l'eau qui est absolument pure, filtrée. Le fait de faire l'extraction d'ardoise n'est pas un phénomène en soi polluant, ce qui est beaucoup plus néfaste pour l'environnement, c'est tout le carbone qu'on va y mettre en faisant tous les transports, les déplacements de ces matériaux qui circulent sur la planète."

Titre : Christophe de Quelen

Crédit :Yann Launay

L'Etat a été sollicité, pour apporter un soutien financier. Des investisseurs français se seraient par ailleurs montrés intéressés. Une affaire à suivre.