La Nuit du Droit à Rennes, et le procès (rejoué) de la peine de mort

5 octobre 2021 à 8h13 - Modifié : 5 octobre 2021 à 8h18 par Dolorès CHARLES

En France, La Nuit du Droit proposait hier une centaine d'animations dans les tribunaux, barreaux ou facs de droit. Des animations plus ou moins ludiques entre table rondes, débats, escape-game et procès fictifs, comme à Rennes, où il était question du procès de Patrick Henry. Le procès de la peine de mort, 40 ans après son abolition (au parlement de Bretagne).

Hier soir dans le cadre de la 3e Nuit du droit, organisée par la cour d'appel de Rennes en partenariat avec le barreau de Rennes, l'association des étudiants de la fac de droit "S'eveiller" a rejoué le procès de Patrick Henry, ce jeune homme qui, en 1976, a enlevé et tué un garçon de 7 ans. Un crime passible, à cette époque, de la peine de mort abolie il y a tout juste 40 ans. Pendant un peu plus d'une heure et demie, c'est Thomas Nicolas, un étudiant en droit, qui a pris place dans le box des accusés et endossé le costume pour le moins inconfortable du meurtrier. Alors, facile ?

"Non, ça va car je ne subis pas la peine, c'est beaucoup moins dur ! J'ai regardé « Faites entrer l'accusé » sur Patrick Henry. Il a été condamné à la perpétuité, il est sorti puis il a refait une bêtise. Il s'est fait choper avec 10 kg de cocaïne à la frontière espagnole. On lui a donné une seconde chance, il a réussi à la gâcher. Quels sont vos derniers mots après le verdict ? Vous ne le regretterez pas ! Pour dire que je vais bien m'insérer et être un détenu modèle. Je crois que c'était un détenu modèle, il faisait bien son travail, ce qui lui a permis de décrocher un travail à sa sortie. Mais comme il aimait trop l'argent, il a continué à faire des escroqueries. Sa motivation c'était l'argent, pas le crime, ce n'était pas un monstre non plus."

La peine maximale requise

La guillotine, ce qu'a réclamée l'avocat général, incarné par Me Hugo Levy. Paradoxe, l'avocat général a défendu, dans la vraie vie, Patrick Henry sur sa fin de vie.

"C'est très dur, d'autant que j'ai été le dernier avocat de Patrick Henry et je lui ai permis de mourir dignement, libre, donc vous comprenez qu'aujourd'hui lorsque je réclame la peine de mort, ce n'est pas une façon pour moi d'approuver le principe de la peine de mort. Juridiquement, la France est liée par la convention européenne des droits de l'homme. Elle est liée aussi par des questions constitutionnelles. Après il y a des questions de conscience... car j'ai relu des éléments sur ce procès et je dirai comme François Mitterrand, "je suis en conscience profondément opposé à la peine de mort car je crois que l'Etat ne peut pas, en conscience, donner la peine de mort."

Défendre quelqu'un qui risque la peine de mort, c'est quelque chose que j'aurai adoré faire !

C'est Robert Badinter qui, finalement, sauvera la tête du meurtrier, marquant un véritable tournant dans son combat contre la peine capitale, laquelle sera abolie le 9 octobre 1981. Hier soir, c'est Anaïs Vial, étudiante en droit de 20 ans, qui a plaidé.

"J'ai repris ses grandes idées, les éléments clés de sa plaidoirie, comme le fait que le fait que la France est le pays des droits de l'homme et pourtant la peine de mort y est encore appliquée. Après j'ai ajouté quelques éléments personnels, notamment le fait que chacun peut s'imaginer avoir un père, un frère ou un fils qui peut tuer à tout moment, ce sont des choses qu'on ne peut jamais prévoir. J'ai lu aussi quelques journaux d'époque pour voir l'atmosphère qui régnait et ce que les gens attendaient. Défendre quelqu'un qui risque la peine de mort, c'est quelque chose que j'aurai adoré faire ! Là, ça me donne cette occasion ! J'ai appris la façon dont à l'époque on pouvait plaider la peine de mort, comment le ministère public peut demander la tête de quelqu'un et comment on pouvait le défendre, justement pour éviter qu'il n'ait plus de tête."