La difficile insertion des Roms, nombreux dans l'agglomération nantaise
Publié : 30 avril 2021 à 14h16 - Modifié : 7 octobre 2021 à 9h45 par Dolorès CHARLES
Crédit : Annick Plou du collectif RomEurope (Cédric Mané)
Rien ne change vraiment pour les Roms aux abords des grandes villes, comme à Nantes, où ils sont expulsés régulièrement. Sans solution à court ou long terme. Le reportage de Cédric Mané.
Depuis deux semaines, les événements s'enchaînent pour les Roms : vendredi dernier, un incendie provoqué par un branchement électrique défaillant a ravagé un bidonville à Bouguenais. Les familles sont depuis hébergées dans un gymnase. Dix jours plus tôt, une dizaine d'autres familles, qui se savaient menacées d'expulsion, ont décidé de quitter le terrain qu'elles occupaient à la Beaujoire... La cinquième fois en dix mois, rien que pour ce groupe. Ces événements démontrent qu'il n'y a toujours pas de réelle solution pour les quelque 3000 Roms, soit environ 500 familles, qui tentent d'habiter l'agglomération nantaise. Annick Plou, bénévole de Romeurop à Nantes depuis une dizaine d'années.
Annick Plou errance
"A chaque fois qu'ils quittent un terrain, ils ont besoin d'en trouver un autre. Parfois, ça prend quinze jours, parfois trois jours, pendant lesquels ils restent au bord de la route à chercher. La raison de ces difficultés, c'est que si on regarde une cartographie de tous les terrains utilisés sur l'agglo nantaise, c'est effrayant. Il y en a un nombre pharamineux, il faut savoir qu'à chaque fois qu'un terrain est vidé de ses habitants, des manoeuvres sont mises en place pour éviter que les familles y reviennent. On remet de grosses pierres, on laboure le terrain... Ce sont des terrains qui deviennent inutilisables, même s'ils ne sont pas utilisés par l'agglomération nantaise".
Arrivées de la région de Craïova en Roumanie depuis une quinzaine d'années, ces familles viennent dans la région parce que les adultes y trouvent du travail dans le maraîchage, le muguet par exemple ces jours-ci.
Annick Plou travail
"Le travail qu'ils font actuellement c'est le muguet, ensuite ce sera la saison des tomates, on les trouve aussi dans les vignes... Des travaux difficiles, et ce sont eux qui les font. Ces personnes sont dans une dynamique économique positive pour l'agglomération nantaise".
Symbole de cette misère: l'accès à l'eau, au point que ce sont des ONG qui travaillent habituellement dans les pays africains en guerre qui comblent les manques.
Annick Plou ONG
"En période de pandémie, quand on nous disait tous les jours lavez-vous les mains, l'accès des familles des bidonvilles à l'eau était très difficile. En mai dernier, il y a eu une proposition de l'ONG "Solidarité internationale" pour effectuer des branchements d'eau, qui sont plus efficaces que par l'intermédiaire de bornes à incendie".
La communauté souffre de son image
Les problèmes provoqués par des membres de la communauté Rom ne sont pas niés par les bénévoles qui les soutiennent : les vols, d'essence ou de moutons, et les dégradations commises autour des camps constatés ces derniers mois à Saint-Herblain et Couëron par exemple. Mais selon les collectifs de soutien, un logement pérenne règle une grande partie des problèmes... et plus l'errance dure, plus c'est compliqué.
Annick Plou image
"Il faut savoir que pour toutes les populations qui ont vécu dans des bidonvilles, il y a une adaptation à faire quand on quitte un bidonville pour entrer dans un logement social. C'est-à-dire se conformer à une vie en intérieur, payer l'eau et l'électricité... plus c'est long et plus ça devient compliqué pour eux de s'insérer dans un logement normal... De fait, certains bailleurs et loueurs du secteur privé n'en peuvent plus des dégradations commises par les roms qui louent des logements".
Les élus sont d'accord sur au moins un point : il faut une solution à l'échelle de la métropole car les communes se refilent la patate chaude. Une dizaine d'espaces d'accueil ou "terrains d'insertion" existent mais cela reste peu pour accueillir tout le monde. Résultat: les campements sauvages pullulent, une quarantaine d'après Romeurop.
Quid de l'école
Autre question, l'accès à l'école pour les enfants qui représente une personne sur trois dans la communauté rom : Annick Plou de Romeurope :
Annick Plou école
"Quand les enfants arrivent et qu'ils doivent repartir deux ou trois mois après, ils finissent par être découragés. On trouve des enfants hors de l'école, et des familles qui finissent par s'habituer ; à se dire que c'est trop compliqué d'envoyer leurs enfants à l'école. Ce à quoi cela aboutit, c'est qu'on dit "les familles ne veulent pas envoyer leurs enfants à l'école".
Des structures comme le CEMEA et ses services civiques permettent à des jeunes issus des bidonvilles de bénéficier de formations. De leur côtés, les politiques d'éducation prioritaire ou PEP assurent une mission de médiation scolaire pour le maintien des enfants à l'école.
Reportage de Cédric Mané.