Saint-Brevin. Un colloque sur l'immigration ce samedi à haut risque

Publié : 22 septembre 2023 à 10h45 - Modifié : 22 septembre 2023 à 10h48 par Dolorès CHARLES

Crédit : Yann Launay

Ce week-end s’annonce tendu à Saint Brévin les Pins, en Loire-Atlantique, alors qu'un colloque doit se tenir sur l’accueil des immigrés. Les opposants au transfert d’un centre d’accueil (CADA) ont annoncé une riposte. De quoi craindre des affrontements entre militants d’ultra droite et gauche.

"Accueillir les exilés, pourquoi, comment ?" : c'est le thème du colloque organisé ce samedi (23 septembre) à Saint Brévin, en Loire-Atlantique. Un colloque organisé par plusieurs associations, avec la participation d'universitaires, de juristes et d'élus. Dans cette commune de Saint-Brévin, il y a depuis plusieurs mois des défenseurs et des opposants d'un projet de nouveau CADA - Centre d'accueil pour demandeurs d'asile (*). Ce colloque souhaite élargir le débat, bien au-delà du dossier du CADA.



"Les principales migrations qui se font en Afrique se font à l'intérieur de l'Afrique"



Une façon aussi de ne pas se faire dicter le calendrier par les manifestations d'extrême droite, comme le souligne Philippe Croze, président du Collectif des Brévinois attentifs et solidaires, une association d'aide aux migrants qui coorganise le colloque : "on a voulu rompre avec cet engrenage de manifestations et de contre manifestations. Ce qu'on veut, c'est que ce colloque sur un moment paisible de réflexion et d'information pour un certain nombre de gens, pour faire un peu le point sur le phénomène migratoire, démonter les fantasmes avec les chiffres réels de l'immigration. On nous raconte actuellement qu'il y a une vague migratoire, c'est un raz de marée qui arrive sur l'Europe depuis l'Afrique, alors que l'on sait très bien que les principales migrations qui se font en Afrique se font à l'intérieur de l'Afrique, et que c'est vraiment une infime minorité de personnes qui essaient de rejoindre l'Europe et de braver tous les dangers sur cette route de l'exil."

Titre :Philippe Croze

Crédit :Yann Launay

(Il faut) démonter les fantasmes liés à l'immigration


L'idée de ce colloque est aussi de réfléchir à l'organisation et à la façon d'accueillir les exilés, ce qui semble beaucoup plus juste que de fermer les frontières, aux yeux du président du Collectif, interrogé par Yann Launay : "on fait partie d'un Occident qui a, pendant des années et des années, colonisé et pillé ces pays. C'est un juste retour des choses que de les accueillir maintenant avec bienveillance. Ces gens sont démunis, ils ont besoin de refuge, ils fuient la misère, les violences, la guerre, etc. Pour la grande majorité d'entre eux, ce n'est pas un choix qui fond comme ça de façon légère. C'est un choix lourd de conséquences : ils abandonnent leur famille, ils vont traverser des épreuves tout au long de leur route migratoire, les accueillir dignement alors qu'ils peuvent être épuisés par leur parcours, je trouve que c'est vraiment le minimum qu'on puisse faire."

Crédit : Yann Launay

Titre :Philippe Croze

Crédit :Yann Launay


"Je n'aurais pas pu ouvrir mon restaurant si je n'avais pas eu cette arrivée"



Le collectif vient en aide aux migrants depuis 7 ans, depuis l'arrivée à Saint-Brévin de migrants en provenance de Calais. Pour Philippe Croze, la trajectoire de certains migrants montre que l'immigration peut être précieuse, en cette période de chômage plus faible et de difficultés de recrutement : "on a des exemples sur Saint-Brévin de restaurant qui ont ouvert grâce à l'appui de ces exilés qui sont venus renforcer l'équipe. Il y a un restaurateur qui m'a dit : "je n'aurais pas pu ouvrir mon restaurant si je n'avais pas eu cette arrivée de sept personnes" et il y a d'autres emplois pourvus, notamment dans des usines de construction de fenêtres. Les gens travaillent à leur intégration et ils s'intègrent, la plupart ont une volonté affirmée de s'intégrer et d'apprendre la langue, etc."

Titre :Philippe Croze

Crédit :Yann Launay

L'exemple actuel de Lampedusa est un trompe-l’œil


Parmi les fantasmes à déconstruire figure la théorie de l'appel d'air : cette crainte d'un afflux de migrants, en cas d'accueil facilité et de régularisations massives. Mais pour le président du collectif, cet effet d'appel d'air ne se vérifie pas : "cela s'explique plus par la situation en Tunisie et le fait que la mauvaise saison pour traverser la Méditerranée approche, et qu'il y a une précipitation de ces personnes à vouloir regagner l'Europe. Ce qui se passe en Libye également, qui va sans doute avoir des conséquences. Il y a ce qui se passe dans les pays du Sahel avec les putschs qui vont provoquer des départs de ces pays. On a encore de la marge avant d'être réellement submergée par les migrants - ce n'est pas une submersion migratoire, et ce n'est pas le grand remplacement comme on veut nous faire croire."

Titre :Philippe Croze

Crédit :Yann Launay

Letransfert du CADA se fera


A Saint-Brévin, les travaux du nouveau centre d'accueil se poursuivent, près de l'école élémentaire de la Pierre Attelée. le CADA devrait ouvrir ses portes à la fin de l'année, et selon Philippe Croze, le cada prouvera que les craintes de certains habitants n'étaient pas fondées : "le transfert se fera dans des conditions tout à fait normales. On se réjouit même de l'arrivée de familles... et cela apportera plein de choses : l'arrivée d'enfants dans les écoles pourrait sauver quelques fermetures de classes. On continuera nos actions auprès des migrants en matière d'accompagnement, et favoriser leur intégration."


Le colloque affiche complet : 400 personnes se sont inscrites, et se retrouveront à la salle de l'Etoile de Jade. Un important dispositif policier sera déployé samedi à Saint-Brévin, pour éviter tout affrontement entre militants d'extrême droite et militants de gauche. Aucune demande de manifestation n'a été déposée, mais le collectif anti-Cada qualifie ce colloque de "provocation" et envisage une "riposte déterminée" à ce colloque. Samedi la piscine et le cinéma de Saint Brévin resteront fermés.


(*) Pour rappel, au printemps dernier, la maison de l’ancien maire, Yannick Morez, avait été incendiée. L’élu, victime de menaces et d'insultes provenant de l'extrême droite, pour son soutien au projet de transfert de CADA, avait démissionné.