Rennes : la difficile journée des enseignants, doublement meurtris
Publié : 16 octobre 2023 à 21h08 - Modifié : 16 octobre 2023 à 21h16 par Dolorès CHARLES
Crédit : Yann Launay
Journée particulière à l’école. Un temps était accordé ce lundi (16 octobre) pour rendre hommage à l’enseignant Dominique Bernard, tué vendredi dernier à Arras par un homme d'origine ingouche, Mohammed M. Un recueillement, qui survient trois ans jour pour jour après la mort de Samuel Paty, victime lui aussi du terrorisme. Au Lycée Zola de Rennes, comme ailleurs dans l'ouest, une minute de silence était observée.
A 14h, ce lundi 16 octobre, une minute de silence a été observée dans tous les établissements scolaires de Bretagne et de Pays de la Loire, en hommage aux victimes des attentats commis contre l'école. Un hommage trois jours après la mort de Dominique Bernard à Arras et trois ans jour pour jour après l'assassinat de Samuel Paty. Tous deux victimes de l'islamisme radical. Au lycée Emile Zola de Rennes, l'ensemble des 1500 collégiens et lycéens se sont regroupés dans la cour pour cette minute de silence, avant de reprendre la Marseillaise.
"J'espère que plus jamais il ne se passera quelque chose de tel. C'est abominable !"
"(hymne et applaudissements). D'être ici ensemble soudés à faire la minute de silence et à chanter l'hymne, je trouve que ça a toute son importance. Les applaudissements sont pour ce professeur, sa famille et ses proches. Ils sont pour tous les professeurs, le personnel d'éducation de notre établissement, et de tous les établissements français... Un prof représente l'Etat de droit, la démocratie et le tuer dans l'exercice de ses fonctions, c'est toucher à la République et à la démocratie et à l'histoire de France en général. Les professeurs sont là pour nous montrer, nous nous guider sur cette voie de la démocratie, d'apprendre à vivre en société... Et j'espère que plus jamais il ne se passera quelque chose de tel. C'est abominable."
Titre :Hymne des lycéens
Crédit :Yann Launay
"On ne peut pas leur enseigner que la peur"
Depuis, la sécurité est renforcée dans les établissements scolaires. La France est placée en alerte "Urgence attentat" et va déployer 7 000 soldats sur tout le territoire. Emmanuel Macron a demandé aux autorités de "passer au peigne fin" le fichier des personnes radicalisées susceptibles d'être expulsées du pays (*).
Le président de la Région Bretagne, Loig Chesnais Girard, souligne que la sécurité n'a pas cessé de se renforcer, ces dernières années, mais que les moyens techniques ne font pas tout : "l'École de la République n'est pas un bunker, nous devons travailler sur plusieurs champs, sécuriser avec des systèmes adaptés. Vous vous rappelez l'époque des voitures béliers, c'était il y a déjà quinze ans. Aujourd'hui, les aménagements urbains ont été modifiés pour éviter ce type de drame et d'autres systèmes ont été mis en place, et puis il y a le travail avec les élèves et les familles, pour construire une société pour demain, parce que les jeunes gens qui sont ici élèves sont là pour préparer leur vie d'adulte ... et on ne peut pas leur enseigner que la peur. Il faut aussi leur enseigner la confiance dans l'autre, des valeurs sur lesquelles nous devons tous travailler en tant qu'adulte."
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Titre :Le président de la Région Bretagne, Loig Chesnais Girard
Crédit :Yann Launay
Pour Gaëlle, "l'exercice du métier est devenu très difficile"
Les patrouilles de police sont renforcées au moins jusqu'aux vacances de la Toussaint. De nombreux professeurs sont sous le choc comme Gaëlle, enseignante en lycée. Le drame d’Arras fait résonner en elle les difficultés rencontrées au quotidien avec certains élèves : "il y a un sentiment de malaise, de solitude et d'impuissance face à ce genre d'événement. L'exercice du métier est devenu très difficile, on se retrouve face à des comportements malheureusement d'élèves inappropriés. On est quand même d'une certaine façon démuni. Quand on est face à sa classe, ça peut être parfois compliqué et il y a le rôle des réseaux sociaux qui est très net. Les élèves ont accès à des informations et ils ne savent pas faire le tri, ils ont du mal à prendre du recul et à avoir un véritable esprit critique. C'est un combat de tous les jours."
Titre :Gaëlle
Crédit :Yann Launay
Enseigner est de plus en plus compliqué
Le ministre de l'Education nationale a rappelé ce lundi sa volonté d'apporter plus de sécurité aux enseignants. Sécurité physique, mais aussi sécurité intellectuelle : Gabriel Attal souligne qu'1 professeur du secondaire sur 2 s'était déjà autocensuré, dans son enseignement, par craintes de réactions ou de représailles.
Robert enseigne l'histoire-géo en lycée depuis plus de 30 ans, et il ne le cache pas, enseigner est de plus en plus compliqué : "Très honnêtement, il y a des sujets plus délicats à mener, y compris pour nous, parce que cela nécessite d'être pointu pour être très objectif face à des élèves qui ont des fois des fausses informations ou bien des informations qu'ils obtiennent de manière très rapide. On n'est pas en défaut, mais on est en difficulté à ce niveau là, et cela conduit à une forme d'autocensure. Il y a des sujets qu'on n'a pas envie d'aborder (...) Quand on est sur le Moyen-Orient, cela demande d'y travailler des heures, et on n'a pas le temps."
Titre :Robert
Crédit :Yann Launay
Le dispositif national d'écoute et de soutien psychologique reste en place cette semaine, pour tous les personnels de l'Education national. Le numéro à composer est le 0805 500 005.
(*) En garde à vue, l’assaillant (Mohamed M. fiché S) n'a pas expliqué les motivations de son acte. D'origine Ingouche, il a passé 8 ans en Bretagne avec sa famille, qui avait été placée en 2014 dans un centre de rétention, car la demande d’asile avait été refusée en Préfecture d’Ille-et-Vilaine. A l’époque, des association s'étaient mobilisées, et le ministère de l'Intérieur avait annulé l’expulsion car le dossier ne respectait la circulaire dite "Valls".